27 septembre 2024
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PERRINE TRIPIER
« Les guerres précieuses »
« Conque »
Juin 2024
Editions Gallimard
Ces deux ouvrages dans leur diversité témoignent des talents de Perrine Tripier. Son premier roman « Les guerres précieuses » décèle une sensibilité toute réservée à cette « Maison » de famille pleine de souvenirs. Certes dictés par la mélancolie du temps qui passe, les détails du jardin, des moindres recoins de la bâtisse et des voix qui y résonnent encore, lui permettent de partager le bonheur que peut procurer une enfance insouciante au milieu d’une nature toujours renouvelée dont elle ne put jamais se détacher. Mais si Perrine Triper est éprise des fleurs exubérantes, elle n’est pas moins douée pour la description d’un chantier archéologique qui met à jour des découvertes insoupçonnées. Dans son tout dernier roman, « Conque », son style, précis et savant, est comme l’érosion qui polisse la pierre et comme l’archéologue qui finit par exhumer des vestiges. La poète métamorphose les conques en instruments de musique, l’historienne fouille le passé, admire ses grandeurs sans ignorer ses découvertes macabres. Etant au service d’un dictateur qui veut consolider la grandeur de sa nation, pourra-t-elle remplir son rôle de journaliste et garder sa liberté d’expression ? On est loin de la Maison utopique, mais plutôt dans une dystopie, un cauchemar où l’auteur semble mettre en garde le lecteur sur la grandeur apparente qui cache les plus grandes horreurs, et l’avertir ainsi des dangers d’un nationalisme exacerbé.
B. Clavel Delsol
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Published by brigitte clavel-delsol
22 novembre 2024
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09:07
« Ton absence n’est que ténèbres »
par
Jon Kalman Stefansson
1ere parution : Grasset : 2022
Editions : Folio 2024
589 pages
Dommage que le mémorialiste d’une telle généalogie soit sans mémoire : il aurait aidé le lecteur à se retrouver plus aisément dans ce roman familial labyrinthique. Heureusement il sait lire dans les cœurs islandais érodés comme les fjords et élucide avec succès les mystères de l’existence. « Est-ce maturité ou manque de courage de se résoudre à son destin ? » C’est le temps qui apporte la réponse, lui seul qui permet à l’œuvre d’exister. Tandis que le style poétique de Stefansson hypnotise le lecteur, les évènements extérieurs détournent ses personnages de leur direction initiale. Le fermier veut philosopher, la fiancée rejoindre un inconnu, l’épouse effacée devenir une scientifique reconnue, l’enfant illégitime percer le mystère d’un père volage, tandis que le pasteur se morfond d’être malheureux dans le bonheur. Serait-ce trahison d’écouter son cœur, de s’écarter de sa route ? Le fjord est pauvre, le cheptel pas rentable, mais l’antique rêve islandais reste obsessionnel : être indépendant. Et si certaines vies sont monotones comme les poteaux d’une clôture, l’auteur ne dément pas que « ce sont ceux-ci qui soutiennent tout ». N’est-ce pas le cas des grands-parents d’Eirikur qui sauront le choyer comme il se doit ? Mais le chemin vers la lumière comporte des ombres à traverser et la mélancolie n’est plus que le souvenir des bonheurs disparus. Le rythme du livre est un incessant aller-retour entre le rêve de jeunesse et la cruelle réalité, entre l’ivresse de la vie et une tristesse indélébile, entre l’amour et le mensonge, entre les souvenirs les plus coosy et une vie décousue, entre sociabilité ou solitude, entre musique ou silence. « Parce que le paradoxe a toujours été l’un des piliers de l’existence humaine ». Une fois l’âge avancé, la mélancolie transperce, tendue, fragile, inassouvie. Le sentiment d’avoir trahi ceux qu’on aime fait couler des « colonnes de larmes ». Alors il ne reste plus qu’à « lever les yeux vers les cieux » pour apitoyer la Camarde au son de multiples chansons ou se réconforter avec un mansaf, car « on a le droit d’être nostalgique, mais on ne doit pas oublier de vivre ». Ainsi le lecteur s’enfonce dans un roman plein d’imprévu, un véritable plaidoyer pour les forces profondes et cachées du libre arbitre. B.C.D.
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Published by brigitte clavel-delsol
29 mai 2024
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“L’or des rivières” par
Françoise CHANDERNAGOR
Éditions : Gallimard
Parution: Avril 2024
300pages
21 €
C’ est à la Creuse qui accueillit sa famille maternelle, que Françoise Chandernagor consacre ce livre là où, dit-elle, « nous étions riches de biens « immatériels ». » Les allers et retours sont alors incessants entre la poésie et la peinture des paysages, entre le ressenti et la réflexion, entre l’héritage solide du passé et la fragilité du présent. Car si la Creuse n’est pas un Eldorado, elle est « une île secrète, refuge suprême », où l’on s’abandonne avec confiance pour être plus lucide sur les temps qui courent. Françoise Chandernagor n’ignore pas les différends entre Paris et la province profonde, ni la colonisation des zadistes, ni les illuminations des vegans. Elle est consciente des superstitions qui s’abolissent d’elles mêmes comme les modes de déboisement et la réputation pluvieuse de cette province profonde. Si la Creuse se révèle prude et accueillante pour les marginaux de toutes sortes, ses paysans dénoncent “les saigneurs de la terre” et déplorent la mondialisation. « Ils n’ont qu à rester chez eux, et nous chez nous!» disait déjà le grand-père de l’auteure. Mais Françoise Chandernagor ne s’arrête pas là. En voulant rendre hommage à son père elle explore sa généalogie où la fierté du sang rejoint l’authenticité de son cœur aimant . Ce roman idéaliste, où les vraies valeurs triomphent, s’achève avec la lucidité et la sagesse que seul apporte un âge avancé, celui qui sait que rien n’est éternel, sauf le souvenir d’une maison gagnée à la sueur de son front et la tendresse d un mari bien aimé .
B. C. D
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Published by brigitte clavel-delsol
23 mai 2024
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« Le miracle de Théophile » par Jérémie DELSART
Editions : Le Cherche Midi
Parution : Mars 2024
397 pages
22,50 €
Cette satire de l’enseignement actuel a le grand avantage d’offrir au lecteur une perspective toute spirituelle et ce, paradoxalement, grâce au diable lui-même. Le stagiaire Théophile de Saint-Chasne est stigmatisé comme réactionnaire dans l’ « Education pour Tous » et son malaise est bien justifié. En permanence soumis à des inspections, à des conseils d’une tutrice et à des récriminations d’une proviseure, cet esthète a bien du mal à imposer sa passion pour la littérature. Peu importe, il fait le serment de ne pas renier son idéal, convaincu que seules les Lettres peuvent sauver la jeunesse de leur léthargie, de leur langage elliptique jusqu’à la vulgarité, de leur obsession égalitariste qui se concrétise avec l’écriture inclusive. Voilà où se cache le diable et Théophile est le seul à s’en apercevoir. Quand Lucifer se manifeste en bel Andalou aux dents immaculées et aux effluves de girofle, il envoûte le corps professoral. Théophile saura-t-il le reconnaître à temps pour lui résister ? Tel est le défi de Jérémie Delsart doué d’un style des plus diversifiés, de connaissances éclectiques , et d’une telle foi qui parviendra peut-être à dérouter Lucifer! Malgré ses sarcasmes et ses excès , ce pamphlet défend un possible retour en arrière pour redonner goût à la beauté littéraire. Livre très intéressant où la personnification du diable est certes un peu naïve mais symbolise à merveille les tentations déguisées de la facilité.
Brigitte Clavel Delsol
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2024
17 mai 2024
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18:16
« Les amours difficiles » suivi de « La vie difficile »
par Italo CALVINI
Editions : Folio
340 pages
1ère parution : 1970
Les protagonistes de ce livre d'Italo Calvini sont teintés de tant de réalisme que leurs attitudes ingénues font passer au lecteur un moment de divertissement sans pareil. Treize nouvelles, regroupées sous le titre « Les amours difficiles », offrent un comique de situation où une série d'aventuriers inénarrables entremêle maladresse à force d’inquiétude et d'insatisfaction, incompréhension à force de vouloir paraître, excès d'audace pour cause de timidité, en un mot souffre d'une incapacité de communication. Alors les amours sont bien impossibles, un sentiment de grotesque gâche le bonheur éphémère sauf quand on retrouve un vieil ami ou un employé dans le même embarras que soi. Puis deux novellas, entre nouvelle et roman, où la difficulté ne vient pas du protagoniste mais de "la vie difficile". Comment ne pas devenir fou devant une invasion cauchemardesque de fourmis alimentée par une organisation sensée les faire disparaître ? Comment ne pas être désespéré devant la lâcheté d’une majorité qui se camoufle derrière ses volets, devant les obsessions climatiques des uns et le déni des autres ? S’il est dur d’aimer, il est dur d’être heureux pour Italo Calvini. Il n ’est plus le jeune italien qui se battait contre le fascisme et s’alliait aux communistes. Il est l’écrivain même qu’il décrit dans « L’aventure d’un poète », cerné par un besoin d’aligner des mots sans fin , jusqu’à ce que sa feuille devienne noire d’écriture, noire comme le monde où il vaut mieux rire que pleurer.
Brigitte Clavel Delsol
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1970
8 avril 2024
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« ANIMAL » par Sandrine COLLETTE
Editions :Denoël
Parution : 2019
283 pages
19,90
C’est dans une chasse à l’ours brun au Kamtchatka, province russe lointaine et pauvre, suivie plusieurs années plus tard d’une chasse au tigre dans une réserve touristique du Népal que nous entraîne l’auteure. Chaque course effrénée présente des exploits qu’ils soient humains ou animaliers. Car, dès le début du roman, l’ours mortifère fait preuve de ruse comme Lior fait preuve de persévérance. Si les courses se passent dans des paysages pittoresques au relief accidenté ou perdus dans des jungles profondes, rien de fictif , les scènes sont prises sur le vif , on suit à la trace le gros gibier au rythme du pas souple de la jeune femme. Aucun chasseur ne se ressemble, même Hadrien qui a du mal à comprendre la passion obsessionnelle pour la chasse de son épouse. Mais dans son prologue Sandrine Collette nous met sur une piste, celle de la très grande pauvreté qui lègue aux hommes une violence jusqu’à couper un doigt à une petite fille pour qu’un dispensaire la prenne en charge, jusqu’à ligoter des enfants à un arbre pour servir d’appâts aux chasseurs. La violence animale finit par déteindre sur l’homme. L’inconscience des touristes rend inimaginable le sort des plus faibles et des plus pauvres quand la folie finit par régner. Seule Lior en est consciente, car elle se souvient … Livre magnifique qui plaira non seulement à tout chasseur mais à tout humaniste soucieux de rendre l’homme conscient que la nature à l'état brut n'est pas toujours un paradis terrestre . B. Clavel Delsol
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2019
28 mars 2024
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Cézanne
par Marie-Hélène LAFON
Editions : Flammarion
Parution : Septembre 2023
162 pages
21 €
« Il me le fallait vivant» , alors Marie-Hélène Lafon se lance comme dans un jeu de familles pour mieux connaître Cézanne. Mais d’abord elle s’arrête sur ses peintures. Bien que récursives, elles ont toutes une raison d’être, celles de l’enfance que ce soit les sous-bois, les pommes , les baigneuses, les Sainte-Victoire. Puis elle s’immisce dans les portraits, ceux du père et de la mère, du jardinier Vallier comme du docteur Gachet. Et pourquoi si peu d’Hortense, femme indolente qui ne comprend pas ce fou du travail dont un enfant illégitime vient gâcher la renommée. Et quand il la peindra , il ne la regardera même pas, « il faut poser comme une pomme ». C’est la forme qui importe, la couleur, faire toujours plus vrai, tout en gardant le flou du mystère. Sa peinture a quelque chose d’inachevé et c’est ce qu’il veut. Son allure aussi n’est « pas finie », comme ses pastels. Marie-Hélène Lafon se délecte, reprend des lettres de Cézanne , retourne aux "toits rouges sur la mer bleue", se rend dans l’atelier des Lauves encore tout vibrant du créateur, elle « cézanne » dit-elle, jusqu’à ce qu’elle découvre le diabète douloureux de ce peintre qui s’est « juré de mourir en peignant ». Livre qui incite à le rechercher dans sa Provence natale et plus précisément au musée d’Aix.
B. Clavel Delsol
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2023
21 mars 2024
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BOUGAINVILLE par Dominique LEBRUN
Louis Antoine de Bougainville homme de la mer , juriste, mathématicien et mousquetaire de Louis XV resta toujours fidèle à son roi aux heures sombres comme aux heures de gloire. Pour ses travaux sur le « calcul intégral », il est admis à la Société Royale de Londres, sans s’empêcher de s’embarquer avec le général Montcalm pour le Canada convoité par les Anglais. Il se bat aux côtés des Iroquois, gagne la bataille de Chouagen, mais s’interpose devant la cruauté des Amérindiens vis-à-vis des Anglais vaincus. On retrouve en ce gentilhomme l’esprit des Lumières où la justice est la première qualité revendiquée par « l’Honnête Homme » sans qu’il s’illusionne du mythe du " bon sauvage". Quand un vent favorable tourne pour les Anglais et que la France se voit obliger de leur laisser le Québec, Bougainville repense au" Voyage autour du monde" d' Anson qui vantait les Malouines dont les richesses seraient bien utiles pour renflouer les caisses du Royaume. Après avoir pris, non sans mal, possession de ces terres , il s’incline pourtant devant l’ordre de Louis XV de les concéder aux Espagnols au nom de la bonne entente avec les Bourbons d'Espagne. Bougainville se retourne alors vers les hautes altitudes australes pour fonder la nouvelle Cythère, l’actuelle Tahiti, dont les belles fleurs violettes gardent toujours son nom . Cette minutieuse biographie de Dominique Lebrun est entrecoupée du courrier authentique de Bougainville et accompagnée d'un précieux témoignage du médecin et naturaliste Philibert Commerçon. Accusé, sans doute à tort, de défaillance militaire lors du combat des Saintes, notre chef d’escadre se retire avant d’être rappelé pour mettre fin à l’insurrection de Brest. La Terreur révolutionnaire le menace, l’emprisonne à Coutances, avant de le libérer pour le nommer membre de l’Ecole Normale supérieure, la Révolution redécouvrant l’importance de la science après avoir éliminé tous les corps savants. Les honneurs lui reviennent enfin. Napoléon le fait comte d'Empire. Au procès du contre-amiral Dumanoir, responsable de la défaite de Trafalgar, il prononce spontanément les mots qu’ il aurait voulu entendre lorsque lui-même était jugé. Pas étonnant que Dominique Lebrun , journaliste , écrivain de la Marine, navigateur breton, se soit passionné pour cet aristocrate , dont la vie justifia son désir de mettre « la satisfaction d’être utile au-dessus de l’honneur d’être admiré ».B.C.D.
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Published by brigitte clavel-delsol
18 mars 2024
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« La montée des périls » par Marin de Viry
Editions du ROCHER
Parution : Mars 2023
214 pages
19 €
Le ton est plein d’humour et de légèreté. En filigrane Paris apparaît comme le creuset de la brillance arriviste ou comme la « capitale des maladies d’amour-propre ». Deux exceptions de qualité : Paul et Erika, qui joueront le jeu de la franchise. Mais jusqu’à quand? Car Erika est l’ attachée de presse, sans grande envergure, de l’ambitieuse Charlène, « ravissante idiote »qui croit pouvoir remporter les prochaines présidentielles. Paul , critique littéraire à l’hebdomadaire national "la Gauloise", n’est pas le genre à faire des concessions contraires à ses convictions d’honnête homme mais fait preuve de cette liberté de penser qui isole. Sa reconnaissance à la rédactrice en chef de la revue a des limites. Un rendez-vous professionnel à l’Elysée ne le motive pas. A contrario l’innocence d’Erika le séduit. Ce qui ne l’empêche pas de coopérer pour éliminer Charlène de la sphère politique, non seulement par amitié pour son ami député du Jura mais aussi pour le bien public. Les phrases sont brèves au rythme des actions rocambolesques qui se multiplient pour faire tomber la malheureuse candidate. Le style, à la fois sarcastique et réaliste, est plaisant. Le lecteur rit de voir une telle franchise spontanée non seulement dans le domaine professionnel mais sur la scène politique et dans les salons parisiens, seule façon de laisser place à la joie de vivre et d’aimer. Fin polémiste dont le charme personnel n’est pas exclu , Marin de Viry offre ce qu’il est convenu d’appeler « l’esprit français » face au vide de la pensée contemporaine qui lui a déjà inspiré plusieurs ouvrages. En un mot, il tient la promesse de ses protagonistes: il ne fera jamais ses « adieux à l’intelligence ». B. C. D.
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Published by brigitte clavel-delsol
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2023
3 mars 2024
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« Convoi pour Samarcande » par Gouzel Iakhina
Editions : Noir sur Blanc
Parution : Août 2023
464 pages
25 €
S’il y a un livre à lire, c’est bien celui-ci. La romancière russe Gouzel Iakhina ne pouvait pas rester insensible à cette année 1920 où Kazan, sa ville natale, voyait mourir dans son palais plus de cinq cents enfants au ventre gonflé par la famine, mutilés, voire grabataires. « On peut tous les sauver » affirme dès le début Deïev , le soldat rouge qui restera, sans jamais faillir, chef du convoi organisé par le jeune état soviétique, en direction de Samarcande, là où la terre est riche et fertile. Mais pour y parvenir , il y a l’enfer à traverser, des steppes de sable à n’en plus finir, la famine, la soif, le choléra, et la mort pour certains. Alors Deïev se débat , quémande, supplie, prend des initiatives qui risquent de lui coûter la prison. Les miracles existent pour les hommes de bonne volonté : dès le départ des soldats compatissent et prêtent leurs bottes aux petits va-nu-pieds pour se rendre à la gare , puis le long du voyage tchékistes et koulaks, Cosaques orthodoxes ou Basmatchi mahométans, tous finissent pas venir en aide à cette « guirlande » déambulante. L’auteure ne perd ni son lyrisme ni son humour, ni son réalisme ni sa foi en l’avenir . A travers les vitres sales de sable séché, les jeunes voyageurs entrevoient des êtres errants sans plus rien d’humain et chantent alors leur joie d’être à l’abri. Transformés en « coureurs » à travers champs, ils font fuir, avec leurs beuglements d’animaux et leur choléra contagieux, les contrôleurs à baïonnettes en chasse aux petits clandestins . Ainsi, tout le long du livre, s'alternent images bouleversantes et anecdotes burlesques. Et si c’était les enfants qui finissaient par sauver Deïev d'un passé de criminel de guerre? Et si c’était les enfants qui étaient le salut du monde en suscitant la solidarité humaine ? Telle est l’impression laissée par cette belle épopée à l’heure où l’on désespère et légitime l’avortement…
B. Clavel Delsol
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Published by brigitte clavel-delsol
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2023