Editions : Folio
Réédité en 2015
155 pages
6,40 €
Sans doute cet ouvrage a-t-il été réédité cette année pour faire passer son message intemporel ! Le paysage est celui d’une France rurale sous la botte allemande où la pauvreté de la terre s’ajoute à la dureté de l’existence. C’est alors avec douleur que le lecteur suit la vie de deux femmes qui souffrent en silence sans avoir la possibilité d’être entendues ni la capacité de s’exprimer. L’une est la mère défunte du narrateur, qui n’est autre que l’auteur lui-même, l’autre sa mère adoptive, auxquelles celui-ci dédie ce livre. La première est accusée de schizophrénie, tandis que la seconde se noie dans le travail. Aucune tendresse ne sera jamais manifestée au petit paysan avant qu’il rejoigne « l’école d’enfants de troupe » où la sévérité ne fait qu’accroître ses craintes et scrupules de ne rien valoir. A défaut de pouvoir s’exprimer, le jeune homme bâillonné court à sa perte, se révolte, tombe dans la haine, la violence et la désespérance. Alors, heureux celui qui, comme Charles Juliet, avant de tomber en « lambeaux », se réfugie dans la lecture et l’écriture, étudie le sens des mots avec précision, cherche la sincérité de l’expression, la justesse de la phrase, et découvre que la conquête du langage va de paire avec celle de la vie ! La lumière jaillit, une renaissance a lieu, le savoir est un privilège qui se doit d’être transmis… D’où un récit à la deuxième personne du début à la fin, car c’est à tous ceux « jamais remis de leur enfance », « jamais aimés », « jamais écoutés » que Charles Juliet dédie aussi ce livre pour que, comme lui, ils parviennent à gagner leur liberté …
Brigitte Clavel Delsol