Editions : Albin Michel
Parution : Novembre 2015
19 €
A l’heure où l’église catholique est critiquée de toute part, un livre sur l’Inquisition n’a guère d’attrait. Et pourtant ce petit carme espagnol arrivé à Rome en 1598 pour suivre des « leçons d’Inquisition » est des plus attachants. Le lecteur est tout en phase avec lui, du début à la fin, pour détecter en toute humilité les horreurs morales dont sont responsables les confortatori au nom de la Sainte Cause et constater les tortures innommables infligées aux hérétiques ou à ceux susceptibles de l’être. Le rythme adopté par Sandor Marai au début du livre est très lent, les phrases s’embourbent dans les forces du mal contaminées par la peur. Rome se réjouit quand a lieu un autodafé car le peuple est comme l’Eglise, préfère la foi aveugle à la connaissance, l’obéissance à la liberté de penser. Mais le miracle est une chose qui existe. Giodarno Bruno, l’apostat récalcitrant, ne meurt pas pour rien. A peine est-il mort que son excellence le cardinal de la Sainte Inquisition de Rome le regrette déjà et réalise que « la persuasion patiente et bienveillante » est plus efficace que le fanatisme religieux. Le petit carme s’enfuit mais ne trouve pas d’avantage la chaleur du Christ en Helvétie où se déchirent calvinistes et luthériens. Ce livre magnifique éclaire les limites de la nature humaine qui, en toute bonne conscience, impose son pouvoir au lieu de brûler d’amour pour l’humanité. Car Sandor Marai savait de quoi il parlait : hongrois d’origine, il souffrit du fascisme et du stalinisme, et écrivit ce livre en 1974 avant de se suicider, désespéré par tant d’indignité. Belle opportunité pour nous qu’ Albin Michel le réédite cette année, au moment où Daech apparaît comme la folie résurgente des hommes !
Brigitte Clavel Delsol