Editions : Gallimard
Parution : Juin 2015
460 pages
21 €
Prix du Roman de l’Académie française 2015
Historique et intemporel, romanesque et réaliste, ce roman a tous les atouts. En 1920 la ville de Nahlès en Afrique du nord est perturbée, les autochtones sont complètement dépassés, car "marcher avec son temps" n’est pas facile: l’esprit fermé et suffisant du club des colons français dénommé « les prépondérants » est devancé par la liberté des mœurs d’une troupe d’acteurs américains débarquée au Grand Hôtel pour le tournage d’un film. Le style coule à flots comme l’alcool de figue bu en catimini ou le whisky qui arrose les nuits. Le matérialisme des Américains contraste avec le traditionalisme des Arabes et la prétendue suprématie des Français. Néanmoins qu’ils soient yankees, indigènes ou européens, la nature humaine est toujours la même : les femmes provocantes sont l’engeance du diable et n’en demeurent pas moins attirantes, l’obscurantisme intransigeant rend grotesque la religion quelle qu’elle soit, l’impérialisme engendre spontanément un nationalisme justifié. L’atmosphère exotique est magnifiquement décrite, à tel point que le lecteur oublie la misère sous-jacente. Tandis que la belle Rania aussi cultivée que nationaliste s’enveloppe dans sa solitude, Raouf, son jeune cousin, saura-t-il résister à l’attrait d’un communisme international ? L’auteur dépeint les cœurs et les pensées avec finesse et une justesse sans faille. Malgré leur bonne volonté, la plupart des protagonistes rencontrés se trompent dans leur choix amoureux et politique, dans leurs préjugés et dénonciations. Aucun ne pressent le tragique dénouement qui tombe sur la ville comme un déluge ou une pluie de sauterelles. Tous apparaissent comme des « attardés de l’histoire ». Belle leçon d’humanité!
B. C. D.