5 août 2017
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Editions : Stock
Parution : Décembre 2015
256 pages
19€
François Taillandier aime écrire des romans à partir de personnages historiques qu’il a plaisir à démystifier pour les rendre plus proches de nous car « les sentiments fondamentaux sont universellement les mêmes », donc riches d’enseignement. L’empire romain et le royaume des Francs se meurent en même temps que leurs chefs. Ce sont ceux-là mêmes que l’auteur nous dépeint sur leur lit de mort, l’empereur Héraclius et le roi Dagobert. Le premier est lucide sur la versatilité de son peuple qui le voue aux gémonies lors des défaites et l’encense lors des victoires, la second est plein du remords de sa lâcheté vis à vis de l'Espagne envahie par l'Islam. L’agonie ne fait qu’augmenter les angoisses comme s’il fallait quitter le monde pour mieux le comprendre. Moins d’un siècle plus tard, comme le flux et le reflux, les « cavaliers noirs » réapparaissent pour s’avancer toujours plus au Nord et engendrer la terreur. S’ils sont vainqueurs, le calife Omar en déduit que c’est la volonté d’Allah. Karl Martel troque alors le marteau du dieu Thor contre la croix du Christ, et cela sous la recommandation du moine St Boniface et l’œil vigilant de son maître, le chroniqueur Frédégaire. Ce dernier, personnage le plus attachant du livre, sans doute parce qu’il est l’alter ego de l’auteur, a pour tâche d’écrire les évènements politiques de son temps où toutes les figures doivent être représentées, celles du bien comme celles du mal, « car l’histoire des hommes n’est rien d’autre que l’histoire de la Chute, et des efforts qu’ils font ou ne font pas… ». Lourde responsabilité qui effraie Frédégaire autant que F. Taillandier, car il n’est pas facile de démêler les rivalités dynastiques, les descendances légitimes ou bâtardes et de faire d’hallucinations mythiques « la religion du livre »…
B.C.D.
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2015
31 juillet 2017
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« Avant que les ombres s’effacent »
par Louis-Philippe DALEMBERT
Editions : Sabine WESPIESER
Parution : Mars 2017
287 pages
21 €
Estimation : 4,75/5
« Avant que les ombres s’effacent » a toutes les caractéristiques du roman picaresque. Le talent de l’auteur à s’identifier à son protagoniste Ruben Schwarzberg laisse croire dans un premier temps à une autobiographie tant les sentiments du jeune Juif en exil sont émouvants. Mais bien vite l’immersion de celui-ci en Haïti, pays d’origine de l’auteur décrit avec beaucoup de pittoresque, révèle les véritables intentions de L-P Dalembert. Comme l’indique très clairement le titre , il faut , avant qu’il ne soit trop tard, rappeler les horreurs de la vieille Europe des années 40 en contraste avec la beauté paradisiaque d’Haïti qui s’est toujours battue pour l’indépendance de ses habitants, l’égalité des races et le bonheur de ses immigrés. C’est donc avec un récit erratique semblable à la vie de Ruben que l’auteur nous promène dans deux mondes antagonistes : celui d’un petit caporal à moustache auteur du traité de Nuremberg qui disperse de par le monde ou dans les camps de la mort des tribus soudées comme celle des Schwarzberg et celui d’illustres inconnus Haïtiens. Ces derniers, qu’ils soient écrivains, politiciens, ambassadeurs, poètes ou chanteurs de jazz, sont tous inspirés par la beauté naturelle de leur pays, par la légèreté de leur langue créole, par les superstitions de l’esprit vaudou qui ne fait qu’accroître la sensualité des mœurs au son des tambours et au rythme du rhum local. Ainsi l’auteur avec humour et amour réhabilite l’image de ce pays accueillant, bien plus riche et bien plus heureux que ne le dit sa renommée. Livre écrit dans un très joli style qui sait être tout à la fois divertissant et enrichissant.
B.C.D.
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2017
20 juillet 2017
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Editions : Albin Michel
Parution : Mai 2017
314 pages
Ce bien beau voyage sur la petite île japonaise d’Aburi montre combien les aspirations du cœur humain sont universelles. Ryôsuke souhaite y réaliser le vœu de son père, une fabrique de fromages de chèvre alors que cet animal est traditionnellement réservé à la consommation de la viande. Et pourtant une telle initiative enrichirait cette île qui a tous les attraits malheureusement méconnus par des habitants refermés sur eux-mêmes. Durian Sukegawa, par ce deuxième roman, fait preuve de grands talents de peintre et de fin anthropologue. L’île d’Aburi est décrite dans ses moindres détails, des forêts d’arbres géants qui abritent des chèvres sauvages jusqu’aux cavernes en bordure de mer où il était de tradition d’abandonner les vieillards. L’auteur n’en oublie pas pour autant les passionnés d’innovations qui tentent tout pour arriver à leur fin ou ces jeunes abandonnés à eux-mêmes qui cherchent à guérir ce qui les font souffrir. Mais si la nature humaine est complexe, faible ou violente, totalitaire ou indépendante, le protagoniste reste impressionnant par sa détermination silencieuse à suivre sa conscience et sa raison de vivre. Jolie évasion pour un été sédentaire…
B.C. D.
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2017
11 juillet 2017
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Editions : Gallimard
Parution : Janvier 2017
377 pages
23,50 €
« Le livre de la faim et de la soif » par Camille de Toledo
Editions : Gallimard
Parution : Janvier 2017
377 pages
23,50 €
C’est avec quelques scrupules que Camille de Toledo aborde un sujet qui le taraude, celui de la succession des horreurs qui frappent les hommes depuis la nuit des temps. Alors, avec toute l’ardeur de sa jeunesse, comme un défi à Dieu, il laisse sa plume remonter les siècles et donne la parole au livre. Car lui-même est « la Pieuvre » , le maillon solidaire par son silence et sa passivité de la mafia éternellement responsable des maux de la terre. Les pages se tournent avec une curiosité qui n’a rien de morbide, car Camille de Toledo se promène dans le temps comme sur toute la planète avec une connaissance encyclopédique et une avidité de boulimique. Certes les cercueils défilent, le temps passe et revient toujours avec sa fatalité. Mais le livre tente de porter un regard neuf avec des mots nouveaux. Il ne détourne pas ses yeux des Enfants-Bûches qui flottent sur le Gange mais s’accroche à eux. Il invite à la table du « Banquet des Origines », savoure les grands mélanges du monde et des cultures. Son seul conseil : ne pas chercher à comprendre mais regarder, quitte à confondre minarets et éoliennes, les Alpes et la neige artificielle de Dubaï ! Comme l’enfant d’Ismaël qui préfère la contemplation des poissons à la promesse de l’Exode, le livre cueille ce qui vient, la voix du chanteur comme les couleurs des rickshaws. Il dénonce l’emprise des fables, veut rendre le Verbe à Dieu, réveiller le Jardin de l’Ennui, s’échapper au « Pays de dehors », celui de l’enfance sans frontières, fendre le Mur de la Douleur, celui qui sépare Israël et la Palestine, tenter tous les plaisirs sans jamais s’arrêter, à tel point qu’il dérive avec quelques longueurs. Au lecteur de réagir, de faire son choix, de ne pas s’enfoncer dans un océan de déchets comme dans le désespoir, mais d’être le maître de son existence ! Un roman déroutant par son audace et sa lucidité, qui tout à la fois fait rire par sa forme et peur par le sérieux de son thème!
B.C.D.
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2017
7 juillet 2017
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Editions : Grasset
Parution : Juin 2017
222 pages
18 €
Estimation : 4,75/5
Si la condition de la femme est le thème obsessionnel de la rentrée littéraire, Laetitia Colombani aborde ce sujet avec une grande finesse. En un seul roman composé de trois nouvelles elle parvient à réunir trois femmes qui se battent pour survivre aux quatre coins de la planète. Seule la persévérance semble apaiser les cœurs et les destinées. La solitude conjugale et l’arrivisme professionnel ne font que gâcher l’existence : Sarah la Canadienne tombe gravement malade à force de jongler entre sa profession d’avocate et sa vie monoparentale. Giulia, la Sicilienne va s’efforcer d’éviter la faillite de l’entreprise familiale de perruques en prenant les plus grands risques. Smita, l’Indienne qui appartient aux Intouchables, s’efforce de résister au joug des castes par amour pour sa fille sous le regard d’un mari broyé d’avoir trop courbé l’échine. La pensée de l’auteure, d’un style de grande sobriété et d’authenticité, laisse entrevoir peu à peu la solidarité humaine qui se lace et s’entrelace en toute ignorance jusqu’à former ce lien si important de la fraternité. Trois vies qui composent à elles seules « la tresse » et inspire à Laetitia Colombani un bel hymne au courage féminin …
B.C.D.
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2017
29 juin 2017
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« Et je danse aussi » par A-L Bondoux et J-C Mourlevat
Parution : Février 2016
Edition : Pocket
311 pages
La vie conjugale de l’écrivain Pierre-Marie Sotto est un désastre et son inspiration pour un nouveau roman lui fait défaut. Que contient ce paquet envoyé par une de ses lectrices ? P-M Sotto n’a pas l’habitude de correspondre avec ses admiratrices, mais Adeline Parmelan n’est pas comme les autres. Le courrier qu’elle lui adresse est plein d’humour et de bon sens et Sotto va sentir le besoin d’échanger avec elle en toute franchise. Leur style est spontané et jovial, et les confidences auto-dérisoires finissent par tisser un lien de complicité. Qui est cette Adeline qui le comprend, qui l’aguiche et le stimule tout à la fois ? Pourtant elle ne lui cache ni son physique ingrat, ni ses déboires amoureux, ni sa solitude, ni la fermeture de son cabinet. Mais à la différence du Prix Goncourt, elle chante, elle danse aussi. Elle était « consultante en tout et n’importe quoi » : « ce qui comptait, c’est que les gens sortaient de chez moi avec le sourire ». Si ce célèbre écrivain souffre de blessures qui ne se referment pas, seuls les mots pourront le sauver. « Pour soigner le mal, il faut le nommer, non ? ». Alors Adeline n’ira pas de main morte ! Seules des lettres mystérieuses vont réaliser ce que Sotto ne parvient plus à faire, « changer du plomb en or »… Livre original, avec des passages très drôles et d’autres très touchants.
B.C.D.
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2016
27 juin 2017
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« Le parfum de l’innocence » par Parisa REZA
Editions : Gallimard
Parution : Mars 2017
297 pages
20 €
estimation : 3/5
Deux mondes au cœur même de l’Iran dont le fossé ne cesse de s’accroître, tel est la thématique chère à Pariza REZA qui peint à merveille le drame subi par ce pays où révolution et guerre civile finissent par se confondre. Le roman tourne autour d’Elham, fille de Bahram, professeur d’université à Téhéran dans les années 70, intellectuel socialiste subjugué par l’Europe. En tombant amoureuse de Jamshid, fils du général de l’armée de l’air très proche du Shah, lui-même pilote de chasse appartenant à l’élite du pays, Elham va connaître les déchirements que ses propres parents ont déjà connus dans les années 1950. Sa mère marxiste extrémiste, bien qu’originaire de la haute aristocratie, ne put supporter la tiédeur d’un professeur progressiste. En 1979 le dilemme est le même : Elham aime Jamshid mais veut la révolution. Restera-t-elle aux côtés de ce militaire au service du Shah ou préservera-t-elle sa liberté? Peu importe le dénouement de cet amour passionné. L’essentiel réside dans ce choix cornélien qui touche la jeunesse, et surtout dans le fanatisme croissant de ce pays cher à l’auteur et qu’elle décrit avec justesse. Livre très plaisant malgré un thème déjà vu et revu qui laisse derrière lui une ombre certaine de tristesse, car « c’est ton tour de vivre le désastre », comme si la guerre était inévitable …
B.C.D.
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2017
22 juin 2017
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« Au temps du fleuve Amour » par Andreï Makine
Editions du Seuil
Parution : Mai 2017
295 pages
19,50 €
« Au temps du fleuve Amour » n’est autre qu’un retour d’A. Makine dans la Sibérie de son enfance. Certes l’appel de l’Occident y résonne très fort. Le Transsibérien et un simple film de Belmondo emportent par le rêve trois adolescents dans un monde qui n’est pas le leur. Seule la taïga reste imperturbable, comme cette génération abattue par la guerre et la dictature. La splendeur du style d’A. Makine rivalise avec la brillance du paysage, qu’il soit de neige, de soleil ou d’étoiles, et la torture d’un cœur, qu’il soit celui d’un guerrier, d’un amant ou d’un poète. Car tels sont les trois jeunes protagonistes auxquels rien n’échappe : les barbelés des camps qui n’épargnent pas les prisonniers, la fonte des glaces qui mutile des corps, la vodka qui réchauffe autant que la prostituée. Mais au-delà de ce fleuve Amour la lourdeur des femmes et la rusticité des hommes ne font point tache d’ombre dans ce pays de blancheur. La vieille Olga, qui rappelle au lecteur la grand-mère de Makine, révèle la beauté des mots de la littérature française bien plus suggestive que les exploits fictifs d’une star de cinéma. Le vieux passeur de bac n’a pas honte d’annoncer son mariage. Car les apparatchiks ne sont pas parvenus à broyer l’essentiel, le cœur profond de la Sibérie, « la consonance de tout – de lumières, d’odeurs, de couleurs » qui seules « percent le sens de la mosaïque de la beauté ». Livre splendide où l’auteur n’omet pas d’ironiser sur la technologie qui tue les mots en même temps que l’amour et la vie.
B.C.D
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2017
19 juin 2017
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Editions : Equateurs
Parution : Avril 2017
223 pages
19 €
Le lecteur ne sera pas déçu car, s’il s’attendait à un énième roman d’aventure, cette écriture en est une. L’humour et le franc parler de Sylvain Tesson habitent chacune de ses réflexions sur le monde actuel. Lui qui aime tant la nature et les livres réagit avec vigueur à « l’esbroufe technologique » qui se veut sans limite. Lui qui lutte contre l’abattement moral causé par la barbarie des djihadistes appelle à dépasser le pathos et réformer le Coran. Avec brio et enthousiasme il fait l’usage de mots peu communs, voire fabriqués par lui-même, qui marquent les imaginations et font réagir les consciences. Il dénonce la « néoténie généralisée » qui frappe tous les milieux, cette caractéristique d’enfant gâté qui veut que le monde se plie à ses caprices. Il révèle la « thanatose » des politiciens une fois élus après la « tarentelle » de la campagne électorale. Il déplore ce « compassionomètre » qui les fait se pencher sur les victimes du moment. Alors, pour garder le moral, il entrecoupe ses chapitres réalistes de récits de voyages, même s’il prône la vie sédentaire, et d’aphorismes comiques, car l’absurdisme de l’existence rôde toujours. Mais « la verticale du soi » pour cet alpiniste émérite est le rappel inévitable à « la verticale du style ». Ainsi l’écriture est « la bouée de sauvetage » qui transforme la vibration de l’âme en « une très légère oscillation ». Livre fort ressemblant à ce jeune aventurier qui fait du XXIème siècle le miroir de la fête de l’Ane…
B.C.D.
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2017
12 juin 2017
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Editions : Gallimard
Parution : Février 2017
158 pages
15 €
En 2014 Pierre Jourde perdait son jeune fils Gabriel d’un cancer rarissime. Trois ans après, la douleur est toujours la même et l’auteur lui dédie ce livre dont le titre est celui d’une musique composée par Gabriel lui-même. Car Gabriel avait plein de talents. Outre ses exploits sportifs, il était un compositeur émérite plus connu dans le monde musical de la jeunesse sous le nom de Black Soul puis de Kid Atlaas. Mais le père ne se remet pas des heures d’attente dans l’espoir de traitements meilleurs, ni de l’impuissance des plus grands pontes de la Salpétrière, ni du vide laissé par ce garçon prometteur d’un grand avenir. Même si la tonalité est sans espoir le lecteur poursuit sa lecture, car le style a la spontanéité de l’auteur rendu très humain par ses sautes d’humeur, ses litanies d’idées noires et son courage pour sauver la face devant le malade. Malheureusement l’écriture ne semble pas avoir l’effet thérapeutique qui lui est généralement attribué. L’auteur voit ses souvenirs se transformer en regrets. Il déplore le potentiel de ce jeune artiste enfermé à tout jamais dans « le néant ». Mais la confiance en la Providence qui fait défaut à l’écrivain réalise un miracle: le succès de la musique « Winter is coming » sur YouTube encourage celui-ci à révéler son amour paternel. Les deux Jourde chacun à leur façon restent ainsi bien vivants. A noter que celui qui s'en va le premier est le plus paisible et le plus proche de l'éternité...
B. C. D.
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