2 juillet 2013
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Editions : Albin Michel
Parution : Mai 2013
190 pages
16 €
Le récit de Marie Rouanet est d’autant plus passionnant qu’il est aussi réaliste sur le fond que poétique sur la forme. C’est la vie de Jean Hugo (1894-1984) qui l’inspire et le lecteur aura vite fait d’en deviner les raisons. Jean Hugo est doué de nombreux talents, mais la modestie l’emporte sur le souci de la réussite : rivaliser avec le génie de Victor le Grand n’est pas facile, son père Georges Hugo l’a prévenu. Cependant rien, pas même deux guerres ni la vie dissolue de ses amis et célèbres artistes parisiens, (Cocteau, Honegger, Radiguet, Picasso, Lucien Daudet, Poulenc…) n’arrête son esprit contemplatif et créateur. Il conserve son carnet de croquis dans la poche, rédige secrètement ses mémoires et gagne sa vie en tant que décorateur de théâtre et créateur de costumes. Par la sobriété de son art il dévoile la sainteté de Jeanne d’Arc dans le film de Carl Dreyer, par ses jeux de velours il épouse chacun des rôles des pièces de théâtre. Pour lui tout est terreau de créativité. De son « Voyage de Moscou et Leningrad » subsistent des gouaches minuscules où la pâleur des teintes annonce le chatoiement de celles qui l’attendent à Fourques, propriété héritée de sa grand-mère. Là il résiste à l’athéisme grandissant de son entourage, à l’opium de ses amis auxquels il ouvre sa demeure, à la solitude laissée par le départ indifférent de ses enfants. Il trouve son bonheur dans le régionalisme et la langue d’oc de Mistral, dans la foi contagieuse de Jacques Maritain. Mystique exacerbé il reconnaît Dieu partout, et grâce à Marie Rouanet gagne une postérité que celle-ci mérite à son tour : car ressusciter un mort avec tant de talent relève du miracle.
B Clavel-Delsol
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2013
27 juin 2013
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Édition : Quai Voltaire
Parution : Avril 2013
378 pages
22 €
L'histoire se situe dans un petit port de pêche sur la côte est de l' Écosse.Point d' événements extraordinaires dans ce pays soumis aux variations du temps et aux rythmes des départs et retours des marins. Et c est précisement ce que l' auteur veut représenter, avec les états d'âme qui en résultent . Les journées sont interminables pendant que les hommes sont en mer et le seul divertissement de Myrtle et Annie sont des parties de cartes autour d'une tasse de thé. Pause qui ne sert que de prétexte aux deux amies pour se faire leurs confidences qui tournent vite en désaccords. Car les deux femmes sont différentes : Annie est d'une beauté irrésistible, provoque tous les hommes , a besoin d' argent et rêve de voyages pour échapper à son sort; le physique de Myrtle est moins gâté par la nature, mais son coeur fidèle et généreux est apprécié de tous dans ce coin perdu où elle se sent utile et enracinée. Certes le lecteur trouvera des longueurs dans ce récit où les descriptions détaillées priment sur l'action. Mais le réalisme, avec lequel est dépeint entre mer et ciel chacun des villageois, laisse l' impression inoubliable d'une fresque sur fond gris peinte au couteau dont la beauté inoubliable est due à sa simplicité. Brigitte Clavel.
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2013
17 juin 2013
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Edition : Gallimard
Parution : Janvier 2012
24 €
392 pages
Sa patrie c’est l’Autriche, sa langue c’est l’allemand, mais sa nationalité est italienne : tel est le dilemme que vit depuis trois générations la famille d’Eva. Ce drame est aussi historique que familial : il remonte à 1919 lors du démantèlement de l’Empire austro-hongrois où le grand-père d’Eva s’opposait à l’italianisation forcée de sa province du Tyrol du Sud, rebaptisée en Haut-Adige et ardemment surveillée par l’armée italienne. Tandis qu’Eva entreprend un long voyage en train vers la Calabre, ses pensées remontent vers le passé douloureux de sa mère Gerda. Elevée dès sa plus jeune enfance dans le sillage des indépendantistes avec un père au passé nazi et un frère terroriste, celle-ci fut dans l’obligation de gagner sa vie très jeune tandis que sa beauté germanique enflammait tous les regards des officiers italiens. Mais pourquoi ce gentil brigadier calabrais du nom de Vito qui vécut quelques années avec elle deux, juste le temps pour Eva de savoir ce qu’est un père, les quitta subitement ? C’est ce que veut élucider Eva en rejoignant Vito avant sa mort. C’est surtout l’intention de l’auteur de révéler, dans un style émouvant, combien la rigidité des lois et des frontières entrava pendant longtemps le bonheur des individus. Selon elle, à temps nouveau, nouvelles mœurs ! En réalité le sang versé et les amours sacrifiés semblent une fois de plus être l’éternel prix à payer ...... Un style magnifique berce le lecteur au rythme régulier du train.
B C
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2012
10 juin 2013
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Edition : Seuil
Parution : Janvier 2013
282 pages
19,50 €
Un retour au Congo natal après vingt-trois ans d’absence en même temps qu’une renaissance dans son enfance africaine, telle est l’expérience que nous livre Alain Mabanckou avec autant d’objectivité que de sensibilité. Pour mieux retrouver les siens et se comprendre lui-même, il ne se voile pas la face. Il ne dissimule ni les rites et les superstitions surannées, ni l’envie et l’exigence incontrôlées des uns ou l’amour gratuit et éternel des autres. Sincérité et humilité signent chacun des portaits qu’il réalise avec le talent et la psychologie d’un grand homme de lettres, photos à l’appui… Mais il ne renie pas l’enfant de jadis et sait « à travers la rudesse de l’existence trouver les points de lumière ». Pour préserver l’innocence de la jeunesse, le monde des adultes a toujours caché les soucis du quotidien. Alors, s’il ne se recueille pas sur la tombe de ses parents ni ne rend visite à sa cousine hospitalisée dans une chambre maléfique, c’est que lui aussi a « un peu peur », veut faire bonne figure et surtout « ne pas bousculer ce qui se fond dans le décor ». Alors il repart, laissant sa terre natale comme une concubine abandonnée certes, mais réconcilié avec lui-même : dorénavant il participera aux funérailles de ses défunts et à la publication des écrits des jeunes ponténegrins…Très joli livre.
B. Clavel-Delsol
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2013
30 mai 2013
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(" Le Studio de l'Inutilité" 8 rue de Buc 78000 Versailles )
Les pièces de théâtre de Jean Anouilh sont toujours d’actualité si on en juge l’engouement avec lequel des jeunes lycéens de Versailles ont représenté cette semaine deux de ses pièces : « Le rendez vous à Senlis » et « Antigone ». La sensibilité meurtrie du dramaturge, due à une pureté sans compromission face à un excès de conventionnel, correspond à l’idéalisme de la jeunesse d’aujourd’hui. Proclamer haut et fort que les apparences ne suffisent pas et vouloir plus de convictions dans le choix des actes de chacun, tel était le souhait d’Anouilh que Sophie Gérardin, metteur en scène et pédagogue hors pair, réalise sur les planches de son petit théâtre dénommé « Le studio de l’inutilité ». La célèbre révolte d’Antigone face à Créon est due au fait que la conception romantique de la vérité de l’un s'oppose au conformisme de l’autre. « Le rendez-vous à Senlis » est plus prosaïque mais pas moins intéressant. Georges est amoureux, et, ayant honte de son passé comme de sa famille, loue une maison bourgeoise pour épater celle qu’il aime et s’invente de faux parents. Mais avant l’arrivée de celle-ci, il se sauve. S’ensuit un renversement de situation que les jeunes acteurs représentent avec brio dans un très joli décor réalisé par une talentueuse artiste peintre, Laure de Bonnières. Idéalisme et pragmatisme, rien n’échappe au spectateur si ce n’est le nom de ce charmant théâtre emprunté au titre d’ un livre de Simon Leys qui, comme Anouilh, préfère de beaucoup « l’idiot utile » à l’être inutile, l'authenticité au faux-semblant. Belle antiphrase que ce « studio de l’inutilité » qui parvient depuis plusieurs années , grâce au travail intense d’une centaine de jeunes et de deux adultes bénévoles, à rendre vivante la littérature française!
B.C
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2013
29 mai 2013
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Editions : Grasset
Parution : Mai2013
334pages
18,90€
Après avoir publié " Les sentinelles de Lumière", très beau livre sur la vie contemplative, Didier Decoin se tourne vers le monde de la débauche, de la violence, de la misère. L' histoire est vraie, c'est celle de Ruth Elis, jeune anglaise des années qui suivirent la deuxième guerre mondiale. Victime comme sa soeur d'incestes innommables puis abandonnée enceinte par un soldat canadien, elle va de déceptions en déceptions amoureuses. Mais sa foi en l'homme demeure, même si ses boucles décolorées et ses lèvres trop rouges ne parviennent plus à camoufler ses meurtrissures morales et physiques affligées par des amants alcooliques et sans scrupules Alors qu'elle s' enfonce dans une vie de prostituée naïve qui fera d'elle une criminelle malgré elle, s'élève une autre voix, celle d'un bourreau discret et consciencieux, fier de son travail et reconnu comme le plus expert des exécuteurs. Quand il découvre le beau visage de Ruth Elis avant la pendaison, il réalise combien la souffrance poussée à l'extrême peut inciter le misérable à souhaiter la potence et il met fin a sa carrière .Magnifique plaidoyer contre la peine de mort!
B.C
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2013
19 mai 2013
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Editions : Gallimard
Parution : Mars 2013
173 pages
17,50 €
Sous forme de trois petites nouvelles ce livre est un bref condensé de l’Histoire d’après-guerre qui marqua la génération de Philippe Labro : l’Amérique et son emblème de la liberté, la guerre d’Algérie qui divise les Français eux-mêmes, la cruelle déportation suivie de l’humble immigration. Un même style pour les trois : une narration où s’entrechoquent réalisme et innocence, quête d’absolu et tentative de conciliation avec le monde. Un thème commun : le hasard, le sort malheureux qui transforme sans crier gare une vie douillette en un enfer, ou l’étoile mystérieuse qui permet par miracle d’échapper à un camp de concentration ou à une ligne de mire. Ouvrage d’un homme mûr qui regarde les horreurs du passé tout en pensant à l’avenir : « Je n’exclus pas que tout cela pourrait recommencer ». Il reconnaît la chance des uns et la malchance des autres, essaie de comprendre cet « élément inconnu » au puzzle de l’existence que l’enfant désarmé appelle fatalité mais que l’adulte lucide appelle « l’incertitude des choses ». Car si l’homme comme « le flûtiste invisible » est capable du meilleur comme du pire, n’est il pas appelé, en tant qu’héritier du Créateur, à combattre l’ange destructeur et construire au plus vite « les piliers de la sagesse » ? Laisser « l’empreinte de sa patte », sans ambition aucune, puis « s’envoler on ne sait où … comme une oie sauvage », tel est le sort humain …
B C
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B C
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2013
15 mai 2013
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Editions : Seuil
Parution : Mai 2013
279 pages
19 €
Ecrire des romans dans la langue française, tel a toujours été le vœu de Eun-Ja Kung, qu’elle réalise certes, mais au prix de maints sacrifices. C’est ce qu ‘elle expose dans ce récit autobiographique. Au lieu d’emporter le lecteur dans un rêve, elle le transpose dans une rude réalité. Son pays, la Corée du Sud, a du mal à se relever de la guerre avec le Nord. Les études sont un luxe mais, vu ses capacités à l’école, celle-ci y a droit. La faim qui taraudait l’enfant se transforme chez l’adolescente en passion pour la littérature coréenne puis française. Son expression simple et naïve évolue peu à peu vers une lente maturité. Un désir d’exister par elle-même l’envahit. Mais point de repères dans cette société d’après-guerre si ce n’est un conformisme qu’elle exècre. La petite fille chétive et effacée se transforme non seulement en major de faculté, mais en femme libérée qui finira par « mettre un couvercle sur ses pensées et ses sentiments ». Sa fascination pour la France ne sera pas un simple rêve, elle quittera la Corée. Et si ce livre n’était qu’une longue métaphore, celle de l'ambition personnelle qui dévore tout, jusqu’à laisser derrière soi les êtres les plus aimés pour se retrouver « L’étrangère », loin de sa terre natale ? Il laisse en tout cas le souvenir d'une famille coréenne soudée autour d'une benjamine qui aimait trop le français...
B.C.
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2013
12 mai 2013
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Editions : Liana Levi
Parution : Janvier2010
219 pages
9 €
"Le lieu perdu" est précisément l'endroit où le voyageur dans le temps comme dans l'espace a plaisir à s'arrêter. L'auteur parvient , grâce à une fine analyse psychologique et beaucoup de sensibilité poétique, à faire découvrir la province de Jujuy au nord de l 'Argentine lors de la dictature de la junte militaire dans les années 1970.
Un rythme lent, des scènes récurrentes , des descriptions détaillées autant de la nature environnante que des sentiments intimes, font de ce coin du monde une terre certes archaïque et désertée, mais désespérément attachante. Marita résiste a toutes les tentations: elle ne s'exilera pas, supportera une grand- mère acariâtre et autoritaire , fera vivre son petit restaurant grâce à la "chicha" ,aux "tamates" et au "piquante"de poulet.Mais pourra- t -elle longtemps résister à Ferroni, ce fonctionnaire de Buenos Aires envoyé par la milice pour retrouver Mathilde, sa chère amie , sa presque soeur, la compagne d 'un dangereux "subversif" politique , dont elle est seule à partager les secrets amoureux ?
Mais plus que le suspens c'est la qualité littéraire de l 'écriture qui captive le lecteur , la diversité des impressions qu'un même homme peut ressentir à partir d 'un même paysage : réminiscences de l'existence d' un enfant innocent comme la prise de conscience d 'un tortionnaire satisfait du devoir accompli.
Heureusement la nature elle aussi offre cette superposition d 'impressions qui font que les yeux d'une vielle louve morte se transforment en étoiles et que l'apparente froideur d' une jeune fille ne soit que le résultat d'une profonde détermination.
Mais plus l' histoire avance , plus la tension grandit entre un homme à la patience limitée et une jeune fille opiniâtre.Ainsi la trame de ce roman est aussi symbolique que le tissage des " panchos" qui font revivre les jours heureux, car les mots choisis de l'auteur sont de véritables "fils de soie" qui ouvrent le chemin de la vraie liberté!
Brigitte Clavel
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2010
9 mai 2013
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Editions de Fallois
Parution : Mars2013
220 pages
16,50€
Cette célèbre helléniste est l'exemple même de la philosophe qui a toujours mis sa plume au service de tous. Ses admirateurs savent l'importance qu'elle attachait à la culture gréco-romaine qu 'elle a prouvée indispensable à la compréhension du monde.Elle n 'était pas moins indifférente à la petite histoire humaine et sa sensibilité littéraire lui a inspiré plus d'un roman ou nouvelle. Elle ne désirait pas publier "Rencontre" de son vivant. Sans doute craignait-elle que le thème abordé soit démodé en évoquant les problèmes de coeur d'une jeune fille trop bien élevée qui deviendra une femme trop scrupuleuse. Quand Anne Aubier jeune veuve croit avoir aperçu au parc du Luxembourg Paul, le premier amour de sa vie qui l'aimait avec insouciance et sans conformisme, elle quitte tout pour le retrouver, ses amis fidèles comme sa dignité! Sa soumission au destin se transforme en panique, en révolte , en désespoir. Mais la recherche ne sera pas tout à fait vaine. Car pourquoi vouloir remonter le temps à tout prix? Le parc du Luxembourg lui tend toujours les bras.L'unique maladresse serait de ne pas percevoir le bonheur là où il est, c'est à dire dans l'accueil de la rencontre impromptue, dans la beauté du quotidien,dans l 'offrande affectueuse d'une hospitalité toujours en éveil...
B. C.
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2013