21 mars 2013
4
21
/03
/mars
/2013
14:55
Editions : Seuil - Lepassage
Parution : Janvier 2013
143 pages
14 €
Un creuset de poésie et de sensibilité, un mélange d’animalité et d’humanité, de délicatesse et de cruauté : telles pourraient se définir ces neuf petites nouvelles, magnifiquement écrites, qui par leur brièveté en disent plus long qu’un roman. Ce joli bestiaire offre tendresse et innocence. Un rat apprivoisé apporte l’espoir au prisonnier vaincu, le lion rend au solitaire le goût de la vie, le ver de terre grouillant gaiement dans sa laideur réconforte le vieillard. A l’opposé le monde des humains apparaît féroce, vaniteux, paré en toute bonne conscience d’une inflexible cruauté. L’ourson est adoré mais le nain qui se cache sous sa fourrure méchamment dédaigné. La danseuse étoile meurt d’épuisement à force de dissimuler sa belle anomalie, car « dans ce monde cruel, il n’y a pas de place ni d’indulgence pour ceux qui ne sont pas tout à fait comme les autres ». Ainsi la lumière de l’intelligence semble être remplacée par un pur instinct, où l’expérience de l’instant ressenti prédomine sur l’éternelle raison. L’homme ne sait plus penser par lui-même, se réfère à des idées toutes faites, court après ce qui est « vu, admiré, adulé » et n’hésite pas à détruire ce qui le gêne. Contes pour enfants ou contes philosophiques, la leçon est la même : la grandeur d’âme est toujours à réinventer …
B .C
Published by brigitte clavel-delsol
-
dans
2013
12 mars 2013
2
12
/03
/mars
/2013
14:28
Editions : Albin Michel
Parution : Mars 2013
294 pages
19,50 €
Didier van Cauwelaert n’a peur de rien : dans son dernier roman il réhabilite avec brillance Ilsa Schaffner, femme-officier fourvoyée chez les SS. Celle-ci est responsable du H-Plan, une école de surdoués pour l’élite intellectuelle allemande au service d'Hitler.
Un jour la belle Ilsa Schaffner débarque de sa voiture décapotable à l’hôpital psychiatrique de Hadamar récupérer le petit David Rosfeld . Si celui-ci est un fragile épileptique considéré comme une charge pour le Reich et une nuisance à la « race parfaite », il est néanmoins le détenteur du secret de sa mère, Yael Rosfeld, une physicienne nucléaire qui a découvert la fission du noyau de l’atome bien avant Albert Einstein. David refuse de collaborer avec un pays qui a éliminé sa mère et ne veut engendrer qu’ « une race d’athlètes abrutis qui obéissent ». Alors il capitule, change d’identité avec son seul ami qui va être gazé. Celui-ci s’appelle Jürgen Bolt, il est le narrateur lui-même au chevet d’Ilsa dont il cherche à convaincre la petite-fille de ne pas diaboliser sa grand-mère, comme la presse continue à le faire .
Une fois Jürgen devenu David, la belle officier réalise le sacrifice de l’un et le courage de l’autre, ferme les yeux et, à ses risques et périls, éduque son nouveau protégé jusqu’à en faire le bras droit d’Einstein.
Un bien beau roman où rien ne paraît impossible : l’amour peut se trouver au fond d’un enfer, une réputation peut être sauvée d’extrême justesse, un rôle de second peut devenir primordial, un petit juif un grand saint et un enfant interné un grand humaniste : une porte ouverte pour trouver "une trace d'amour sur terre".
B.C
Published by brigitte clavel-delsol
-
dans
2013
23 février 2013
6
23
/02
/février
/2013
08:13
Editions : Albin Michel
Parution : Février 2013
499 pages
22,50 €
Ce roman rappelle ceux de Pearl Buck : même écartèlement entre Occident et Orient, entre modernisme et tradition, liberté de pensée et soumission. Mais à travers l’histoire de Sin Ming, c’est l’histoire de la Chine déshumanisante de Mao et de la Chine revancharde actuelle que Roselyne Durand-Ruel présente avec réalisme. Sans doute son souci historique est quelque peu philosophique, ou tout simplement humaniste, car, selon Liu Ji-Wen, le père de Sin Ming, « l’homme ne peut pas savoir où il va s’il ne sait d’où il vient ». Sin Ming écoute alors sagement son vieux père, professeur de philosophie qui, insoumis au Parti, fut interné pour lavage de cerveau pendant vingt ans. Aucune doctrine ne pourra jamais justifier la férocité d’un Etat qui se plaît à broyer ses opposants, à appauvrir la mère patrie, à séparer des parents des enfants, et à les « forcer à se fondre dans la masse ». Quelle stupéfaction quand, au retour de son incarcération,le professeur Liu Ji-Wen arrache Sin Ming de l’université pour un entrainement intensif de natation ! Il en est sûr : le seul salut de son fils réside dans la fuite à la nage jusqu’à l’île de Macao avant de rejoindre son oncle à la tête d’un grand empire financier d’Hong Kong. Le lecteur suit alors le long voyage initiatique de Sin Ming, son éprouvante traversée, sa découverte de « la forêt de métal et de verre », son envol à la célèbre université de Princeton, où « le nageur de la liberté » connaît des déceptions, mais où il se forge avec obstination. Son retour à Hong Kong fait de lui un célèbre « tycoon » que toutes les femmes européennes ou cantonaises convoitent. Mais bien vite ses désirs d’indépendance se heurtent à sa pitié filiale. Il se voit imposé de lourdes obligations familiales auxquelles il ne sait échapper. Heureusement, au libertinage destructeur des mœurs modernes et aux rites ancestraux très oppressants Sin Ming préfère la voie d’Ayn Ran. Célèbre écrivain américaine née en Russie, dans un carcan communiste comme lui, celle-ci « prône l’insoumission et l’estime de soi pour préserver l’harmonie de son entourage ». L’homme est enfin sauvé, mais n’a pas droit au repos. A son tour de participer à la grande histoire humaine ! Il pense aux paroles de son père vieilli prématurément par tant de souffrances : « Un homme honorable en sécurité ne devrait jamais oublier l’existence du danger ». Bravo à Roselyne Durand-Ruel pour tant de psychologie et clairvoyance !
B C
Published by brigitte clavel-delsol
-
dans
2013
11 février 2013
1
11
/02
/février
/2013
12:25
Editions : Flammarion
Parution : Janvier 2013
187 pages
18 €
Yasmina Reza ne pouvait pas trouver un plus joli titre pour ces scènes de la vie quotidienne qu’elle décrit avec le plus grand humour pour en extirper le ridicule ou le tragique. Toutes les situations sont présentées, des plus graves aux plus comiques, des plus banales aux plus obscènes. L’écriture ressemble à l’auteur : un style fluide qui déverse sa rancœur avec une élégance au scalpel. La vie de famille est présentée comme un enfer, l’institution du mariage comme de l’esclavagisme ou mieux du masochisme. Sans scrupules elle réduit le chrétien à un superstitieux simpliste. Si le jeune schizophrène fait souffrir son père en voulant devenir Céline Dion, la narratrice se contente d’un « masque d’empathie » avant d’éclater de rire, la liberté individuelle et la loi du genre n’étant pas une évidence ? Avec une impudeur qui empêche de mettre ce livre dans les mains d’un adolescent, elle dépeint des scènes de lit à trois ou d’homosexualité rémunérée qui font que la béatitude semble plutôt se trouver en enfer que sur terre. Certes si l’objectif de Yasmina Reza est de " réduire au minimum l’exigence du bonheur", elle y parvient tout à fait, mais à quel prix ! Aux "valeurs célestes bourgeoises », elle préfère s’accrocher avec humour à la force toute animale: « …c’est une erreur de m’avoir mis dans une société humaine. Dieu aurait dû me mettre dans la savane et me faire tigre. J’aurais régné sur mon territoire… ». Et c’est ainsi que le nihilisme gagne du terrain.
B.C
Published by brigitte clavel-delsol
-
dans
2013
6 février 2013
3
06
/02
/février
/2013
12:59
Editions : STOCK
Parution : Janvier 2013
248 pages
18 €
Ces dix nouvelles de Blandine Le Callet ne sont autres qu’une exploration poétique à la recherche d’une connaissance de l’homme et du monde. Dans sa postface celle-ci justifie avec humilité son inspiration. Des stèles de cimetières se seraient imposées à elle, grâce à leur épitaphe très suggestive. C’est avec imagination, sous forme de poésie en prose, que Blandine Le Callet fait revivre des défunts, parfois avec gravité, parfois avec humour, dans des situations souvent tragiques, où le bien et le mal se côtoient, où la légende rejoint la réalité. Dix rêves de pierre qui deviennent rapidement dix diamants de la littérature. La grandeur autre que la postérité existe, l’instant heureux ou malheureux résume à lui seul la raison d’être de l’humanité. Certaines nouvelles ressemblent à des contes merveilleux, d’autres révèlent des mystères jamais élucidés, toutes méritent d’être lues « si l’on souhaite survivre » et non se contenter d’ « une énergie devenue désespoir » ou d’une « égoïste insouciance sans laquelle aucun bonheur n’est possible ».
B.C.
Published by brigitte clavel-delsol
-
dans
2013
5 février 2013
2
05
/02
/février
/2013
12:03
Editions : Julliard
Parution : Janvier 2013
204 pages
19 €
Louise, écrivain quadragénaire reconnue, a besoin de solitude pour écrire. Ses romans passent avant François son mari. A la recherche d’inspiration, elle décide une fois de plus de partir seule. Une villa en Toscane sur la mer va être le refuge d’une splendide fin d’été et aussi le début d’une liaison avec le tout jeune Luca. La suite des évènements se devine aisément, mais l’histoire d’amour est incertaine. Un roman sans beaucoup d’intérêt, plutôt banal, où deux hommes que tout oppose meurent d’amour pour une même femme qui se joue de l’amour…Seul le paysage est grandiose et Louise n’a pas la moindre hésitation de repartir voir la mer plutôt que rester dans la chambre d’hôpital de son mari. Peu lui importe les conventions. Elle avance de son allure désinvolte et envoûtante à la conquête de sa liberté. En arrière-fond une femme de ménage, la mère de Luca, horrifiée par le dévoiement, se noie dans le bruit de son aspirateur, ou s’enferme dans un silence qui en dit long. Elle s’appelle Graziella, du nom de l’héroïne de Lamartine, sans doute parce que sa pureté n’est accessible à personne. Certes elle n’a aucun attrait romantique, juste des principes dont Louise se moque bien et qui font peur à Luca. Ainsi, dans ce roman, la femme est comme un monstre d’égoïsme ou une froide génitrice, images réductrices que Fanny Ardant, à laquelle le livre est dédié, parvient à relever.
B.C.
Published by brigitte clavel-delsol
-
dans
2013
29 janvier 2013
2
29
/01
/janvier
/2013
14:03
Editions : Actes Sud
Parution : Janvier 2013
298 pages
21,80 €
Dans ce très joli roman la vie d’Augustinius est parfaitement relatée, de ses frasques de jeunesse dans Carthage la folle à sa charge d’évêque d’Hippone. L’auteur n’a rien oublié, ni son enfance choyée à Thagaste l’austère, ni ses débats philosophiques qui lui font abandonner le manichéisme au profit du christianisme et inspirent ses prédications envoûtantes. Néanmoins Claude Pujade-Renaud n’hésite pas à donner la parole à une femme qu’elle nomme Elissa avec laquelle Augustinius vécut et eu même un fils, mais dont Lucien Jerphagnon, dans la préface de la Pléiade, affirme que « de cette femme, nul ne saura jamais le nom ». A partir de ces prémisses toute fiction est permise. Ste Monique est présentée comme une mère possessive et arriviste aux penchants alcooliques ; Augustinius comme un homme des plus sensuels, qui prêche l’amour, vante l’ascétisme et combat le libre arbitre. La blessure toujours ouverte d’Elissa apporte alors à ce livre une tonalité de dépit amoureux qui incite le lecteur à avoir plus d’empathie pour la femme répudiée que pour un des plus grands saints de l’Eglise.
B.C
Published by brigitte clavel-delsol
-
dans
2013
26 janvier 2013
6
26
/01
/janvier
/2013
22:51
Editions :JC Lattès
Parution : Janvier 2013
266 pages
17 €
Qui est ce Jean Hart qui secourt les malheureux, les héberge dans sa maison d’accueil dénommé « l’Atelier », pour leur redonner goût à la vie et confiance en eux ? Grâce à lui, Monsieur Mike, le sans–abri, retrouve toute sa dignité en étant responsable de la sécurité de la maison ; Mariette, professeur déprimée et épouse incomprise, reconquiert l’assurance nécessaire pour dispenser des cours, tandis que Millie recouvre sa propre identité qu’elle aurait voulu falsifier à jamais. Mais pourquoi Jean Hart, plein de douceur et de prévenance, se rebiffe-t-il jusqu’à la méchanceté une fois qu’il n’est plus le décideur de la vie de ses pensionnaires ? Sans doute Valérie Tong Cuong exècre l’autoritarisme qui casse les êtres et elle le fait bien sentir. Mais sa démarche est plus subtile. Car dans ce joli roman où les sentiments humains se perdent comme dans un noir labyrinthe, perce la fragilité de l’être humain, de celui qui donne autant que de celui qui reçoit, de celui qui ne trouve pas sa place comme de celui qui s’y accroche, de celui qui aime et de celui qui croit aimer. Un très joli livre qui reconstruit autant qu’un atelier peut réparer.
Brigitte Clavel
Published by brigitte clavel-delsol
-
dans
2013
19 janvier 2013
6
19
/01
/janvier
/2013
17:39
Editions : SEUIL
Parution : Janvier 2013
363 pages
21 €
Filmer ce que la Grande Catherine dissimulait, faire vivre ses rêves, dévoiler sa sensibilité, révéler « un instant qui dira l’essentiel » : tel est le but du cinéaste Oleg Erdman, un autre Makine, conscient des erreurs du temps où l’idéologie politique stalinienne transforme le cours de l’Histoire et défigure la nature humaine. Comme Makine, Oleg est « un paysan de Sibérie », à l’âme pure et fidèle. Il ne fera aucune concession pour plaire au jury du « Comité d’Etat pour l’art cinématographique » qui, par pure propagande antimonarchiste, se plaît à accabler Catherine II des pires crimes politiques. Vouloir à tout prix réhabiliter « cette petite Allemande devenue la Grande Catherine » va bloquer la carrière d’Oleg, en faire un simple assistant artistique impuissant, jusqu’au jour où, le mur de Berlin étant tombé et Gorbatchev arrivé au pouvoir, son ami enrichi, Kozine, le sollicite pour réaliser un péplum télévisé sur la tsarine. Mais de nouveau Oleg se heurte au mensonge, cette fois purement mercantile, qui ne veut rien exposer d’autre qu’une nymphomane hystérique pour fasciner l’audimat. Heureusement Makine, le poète qu’on attend depuis le début du livre, se révèle : les couleurs changeantes du ciel et de la Néva, les flocons de neige, la brume du soir comme la beauté sereine d’une femme marchant sous les hauts peupliers blancs rappellent à Oleg que l’essentiel de la vie ne réside ni dans le nombre des décrets signés ni celui des amants, mais dans la simplicité, dans la promesse d’un voyage secret, dans la fuite de la comédie humaine, dans le calme d’une église au bord du lac de Garde. Makine une fois de plus lance « un pavé dans la mare de l’histoire russe »…
B.C
Published by brigitte clavel-delsol
-
dans
2013
15 janvier 2013
2
15
/01
/janvier
/2013
11:48
Les Editions de Minuit
Parution : Janvier 2013
108 pages
12 €
Madame Rebernak a le droit d’être inquiète et méfiante. Son mari mort, elle n’a pas l’intention d’ouvrir sa porte à son propre cousin Teddy récemment sorti de prison, quitte à passer pour une femme peu charitable. Car quinze ans plus tôt une petite écolière a été assassinée. Et protéger ses enfants est ce qui compte pour elle maintenant. Sa fille Clémence, lycéenne indépendante, semble exaspérée par les vieux principes d’une mère angoissée. Ce qui n’empêche pas Madame Rebernak de sillonner les routes de campagne sur son cyclomoteur pour la surveiller, tandis que son fils, qui n’est autre que le narrateur, découvre les allers et venues de chacune en même temps que le lecteur. Tout est source d’inspiration pour Yves Ravey : l’innocence de la jeunesse, l’amour maternel,les réputations indéfectibles, la nonchalance d’un brigadier face à l’esprit justicier d’une femme seule…Grâce au style épuré et précis de l’auteur, force et lumière règnent sur la trame de l’ histoire aussi noire et banale qu’une chronique de journal.
B.C
Published by brigitte clavel-delsol
-
dans
2013