25 décembre 2017
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« L’ordre du jour » par Eric Vuillard
Editions : Actes Sud
Parution : Mai 2017
150 pages
16 €
Ce pamphlet d’Eric Vuillard, d’un style concis et glacial, est semblable à la lame de fer qui remue la plaie. La précision des évènements en Allemagne depuis 1933 et le réalisme des entrevues des hommes d'état sont ceux d’un enquêteur professionnel. Le cynisme d’Hitler fait déjà perdre pied à tout interlocuteur, qu’il soit un de ses acolytes ou de ses ennemis, et les plus grands industriels allemands se plient sans renâcler aux exigences financières de Goering. La « politique d’apaisement » des Français et des Anglais contraste avec l’avancée « par amour » des nazis vers l’Autriche ! Quelle que soit leur nationalité, les politiciens apparaissent faux et mesquins, les uns à cause de leur assurance tyrannique, les autres à cause de leur naïveté ou lâcheté. Tous se leurrent, sciemment ou inconsciemment, sur leurs intentions et les évènements à venir. La domination n’est rien d’autre que du bluff ou du mensonge. Cette dénonciation a le mérite de rappeler que l’œil de Caïn regarde jusque dans la tombe. Mais à force de focaliser sur des monstres froids, Eric Vuillad parvient à sortir d’un silence funèbre les innombrables martyrs, à rendre vie à certains d’entre eux, à mettre un nom sur leur visage, à légitimer leur désespérance et surtout à les immortaliser. Dommage qu'il ait omis de rendre hommage à l'industriel Schindler qui dilapida sa fortune personnelle pour embaucher plus d'un millier de Juifs et leur épargner la mort. Heureusement le cinéaste Steven Spielberg le fit pour lui....
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2017
14 décembre 2017
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Editions : Actes Sud
Parution : Août 2017
404 pages
22 €
Si l’enjeu est la forme littéraire, on peut dire que Claudie Gallay a atteint son objectif. Au début du livre le style narratif est monotone comme la vie de Jeanne, quadragénaire qui passe son temps à sublimer sa vie de postière en contemplant la nature, en suivant des yeux des inconnus, en observant les manies de ceux qui l’entourent. Jusqu’au jour où elle se passionne pour Marina Abramovic, artiste slave dépravée connue pour son esprit révolté et provocateur, ou celui où Martin, son amour de jeunesse, balaie, avec ses talents d’artiste et ses "envies d’ailleurs", les délicatesses d’un mari attentionné. Alors le style de Claudie Gallay s’anime, tout se bouscule dans la tête de Jeanne, des évènements inattendus surgissent, différents choix de vie se présentent, d’autres horizons s’ouvrent au-delà de la ferme familiale. Jeanne qui voulait simplement « mettre un peu de vent dans le quotidien » va devoir faire face à la réalité. Dans ce roman plaisant à lire, Claudie Gallay révèle une autre Jeanne, celle soudain tentée par les plus hautes performances de l’homme comme de la technologie. Jeanne saura –t-elle réaliser à temps que l’amour des siens, aussi maladroit soit-il, est bien plus apte à faire battre les cœurs que le fameux musée de C. Boltanski au Japon ? Le lecteur semble découvrir la mission de l’art selon Claudie Gallay qui n’est autre que de faire ouvrir les yeux sur la beauté des jours…
B.C.D.
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2017
27 novembre 2017
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Editions : P.O.L
Parution : Octobre 2017
188 pages
15 €
Frédéric Boyer ouvre grand les portes sur un monde inespéré, celui de l’espérance. Certes la poésie de Ch. Péguy n’y a pas sa place à cause de l’urgence et du sérieux du sujet. Son argumentation est d’une autre nature, un remède à la désespérance, à la peur de la finitude humaine. L’espérant aujourd’hui est considéré comme un naïf ou comme un renégat. Certes la souffrance physique et morale est indéniable, mais n’y aurait-il pas une possibilité d’éviter la politique de l’autruche ou la misère de Job pour découvrir « la petite sœur Espérance »? L’auteur offre une série de pistes prometteuses. Le moteur du monde est la poursuite de la création, il comble le vide du cœur humain, repousse sans cesse les limites de l’horizon et finit par faire surgir une espérance exactement contraire à celle qui était attendue. Livre passionnant qui incite non pas à imaginer des lendemains qui chantent ni à vouloir retrouver ce qui a été perdu, mais à accueillir l’inattendu inespéré, un destin qui nous dépasse et panse à jamais « la blessure immémoriale ». L’objectif de l’auteur est atteint. « Espérer c’est déjà rendre grâces » car c’est habiter le présent en sachant voir l’invisible. Un bien beau et précieux livre dont la dimension spirituelle n’oublie pas de laisser une place à une stratégie ironique, celle de l’autodérision, du paradoxe, d’un monde à l’envers!
B.C.D.
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2017
24 novembre 2017
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Editions du Rocher
Parution : Août 2017
252 pages
18,50 €
L’atmosphère est obscure et mélancolique à Courlaoux, petit village jurassien dont les habitants ont la rudesse du climat. Le jeune curé parisien Jean, sanctionné par son évêque, et Jan un musicien néerlandais, exilé pour déception amoureuse, sauront-ils y trouver une lumière? La solitude est dure à porter pour ce curé urbain dont se méfient les villageois. Le lecteur ressent la même réticence, personne n'est attiré par Courlaoux si ce n’est un groupe d'archéologues chargé de fouilles bien macabres avant le tracé d'une autoroute. Seule Charlotte, la simplette du village, indifférente aux ragots sur son sort, s'ouvre au curé : un sentiment de devoir, vis à vis des vivants comme des morts, habite celle-ci depuis toujours, cette voix de la conscience qu'on fait taire aujourd'hui et qui selon le curé n'est autre que la voix divine. Jan le musicien-compositeur retient aussi l'attention de ce protecteur des âmes. C'est un artiste érudit, mais qui se sent impuissant devant les évènements comme devant ses feuilles blanches de musique. Le sentiment d’inutilité serait-il la trame de ce livre qui aurait pour solution "la Partition intérieure ", celle dictée par la conscience personnelle, elle même inspirée par le Ciel? Livre clair-obscur où l'acceptation de son sort est non seulement l’antidote de l’autodestruction, mais la seule porte du salut ...
B.C.D.
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2017
15 novembre 2017
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Editions : Stock
Parution : Septembre 2017
176 pages
17 €
Deux belles surprises dans ce dernier livre d’Erik Orsenna. Tout d’abord le style de l’académicien. Certes celui-ci n’écrit pas en vers, mais ses phrases ont la même alternance rythmique que celles de La Fontaine, son humour est aussi percutant, son naturel aussi spontané et savant, à tel point que la Fontaine semble vivant et lui souffler tout ce que l’abbé Pouget lui a fait renier ! D’autre part si le fabuliste est bien connu, c’est l’homme, l’ami, le polisson, le conteur, le poète que dévoile Erik Orsenna dans cette biographie originale où rien n’est épargné de ce qui touche de près ou de loin à l’écrivain et à ses écrits. Ainsi « le rat des villes et le rat des champs » fait penser à l’union des Pidoux urbains et des La Fontaine ruraux qui donneront naissance à cet homme hors du commun qui aima autant Paris que Château-Thierry, la Sorbonne que « Dame Nature », la courtisanerie que la liberté. Deux hommes en un, ou mieux : un équilibre parfait qui lui fait admirer Vaux-le-Vicomte, cette merveille érigée «pour le plaisir du roi », mais qui fait la perte de son ami Fouquet, et, en défendant celui-ci, la perte de ses pensions royales. Son œil s’aiguise alors à l’étude des humains sans même qu’il éprouve le besoin de voyager, car « Le monde est plein de gens qui ne sont pas plus sages ». Ainsi E. Orsenna ravive une lecture que quatre siècles n’ont pas démodée.
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2017
14 novembre 2017
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Editions de la Martinière
Parution : Avril 2015
394 pages
20 €
« Etre la Parole qui poursuit sa course dans le monde », telle est l’invitation du cardinal Barbarin dont la confiance en la Providence ne peut passer inaperçue ! La simplicité du style de son livre est semblable à sa foi, si désireuse de réconforter qu’elle devient contagieuse. « Dieu est Mystère » affirme le cardinal, non une connaissance ou un savoir que certains auraient la chance d’avoir et d’autres pas. De même certains, sans l’avoir vu, croient en Jésus venu non pour abolir la loi mais l’accomplir, non pour supprimer la souffrance mais la partager. La crainte divine n’a pas lieu d’être, « le parfait amour bannit la crainte » : dans le texte hébreux, il n’y a pas « dix commandements », mais des « paroles » de vie, des « conseils sûrs » que le cardinal qualifie de « promesses » à notre bonheur. Comme Dieu, l’Eglise respecte la liberté de chacun, c’est pourquoi elle revêt le baptisé d’un habit blanc semblable à celui de l’esclave affranchi. Le christianisme ne doit pas engendrer un formalisme névrotique, mais bien plutôt une chaleur humaine qui doit percer dans le quotidien jusque dans la pratique religieuse. Invitation à la vérité qui rend libre, à la « Loi d’amour », à la joie, à l’esprit de service, tel est l’objectif de l’auteur qui n’élude aucune question d’actualité. Si les gouvernants ont tous les pouvoir d’édicter des lois, ils n’ont pas le droit de légiférer contre la nature humaine. Le thème de la famille n’est pas oublié car l’Eglise elle aussi est une famille qui souffre pour chacun de ses membres. La conclusion est qu’il faut franchir « la porte de la Foi », et pour ce faire, se rappeler que l’Eglise, à travers nous, est "semper reformanda" c'est à dire "toujours à réformer"…
B.C.D.
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2017
12 novembre 2017
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Editions : Albin Michel
Parution : Octobre 2017
310 pages
20,90 €
Inutile de présenter C. Signol, amoureux de son Quercy natal qui a toujours inspiré ses romans et auquel il les a toujours dédiés ! Son dernier livre n’est autre que le récit d’une succession de visites de malades dans le cabinet médical du jeune docteur Vialanex tout récemment arrivé dans le petit village de Châteleix. Celui-ci y constate le désastre provoqué par le numerus clausus de sa profession ainsi que les difficultés à survivre des petites exploitations agricoles. Les détails de la vie amoureuse du docteur sont sans grand intérêt, les dialogues de qualité littéraire médiocre et les portraits de la paysannerie plutôt caricaturés. Ce qui importe à C. Signol, c’est de mettre en avant la qualité d’écoute et l’esprit de service du médecin, de même que le courage moral et la profonde reconnaissance des patients. Loin d’être inspiré par « une philosophie de bazar » comme il le dit en toute humilité, le médecin trouve son bonheur en apaisant sa clientèle tout en traversant une campagne changeante au gré des heures et des saisons. Si une note à la fin du livre vient spécifier que les personnages ont tous été inventés, un fait est certain : la désertion de nos campagnes n’est pas fictive, elle engendre des problèmes d’ordre social autant que physiologique, ce qui désespère le jeune docteur. C’est pourquoi ce roman apparaît comme un cri aux abois, l’auteur ne pouvant rester indifférent à la souffrance de la France profonde.
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2017
8 novembre 2017
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« Le cœur au trésor » par Bertrand Jacolin
353 pages
Si ce livre s’adresse à tout public, jeune ou vieux, intellectuel ou dilettante, c’est tout à fait délibéré de la part de l’auteur qui, en tant qu’enseignant, a le souci de rappeler une vérité historique. Sous un aspect de roman à la fois policier et d’aventures, Bertrand Jacolin revient sur un crime politique malheureusement étouffé, celui du président congolais Marien Ngouabi qui, en 1977, voulut abandonner le marxisme sous l’influence du cardinal Biayenda lui-même assassiné. Alors l’auteur met en scène le jeune Pierre Seron, qui se retrouve malgré lui sur un cargo chargé d’armes destinées à être livrées à Brazzaville aux opposants du nouveau régime en échange d’un trésor qui a en fait disparu. Notre jeune héros n’aura de cesse de fuir les Cobras, miliciens du nouveau président, Denis Sassou Nguesso, dans un contexte tropical magnifiquement décrit avec autant d’imagination que de réalisme dans le détail. Car Bertrand Jacolin est un peintre auquel rien n’échappe. A ses qualités d’artiste s’ajoute un souci humaniste, sans pour autant perdre le fil de l’aventure du jeune Pierre qui fait face à toute une série de péripéties extraordinaires. Ce livre, riche par son suspense et son magnifique dénouement, a tout pour être un joli cadeau de Noël pour ceux qui, comme l’auteur, souhaitent que la richesse serve non pas à la guerre mais aux hommes les plus petits et les plus pauvres …
Ce livre a été édité à compte d'auteur. Pour se le procurer contacter : bertrandjacolin@wanadoo.fr
B.C.D
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2017
4 novembre 2017
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Editions : Albin Michel
Parution : 2 novembre 2017
235 pages
19 €
Ce livre plein de romantisme ne peut passer sous silence. C’est un hommage de Sandor Marai non seulement à Gyula Krudy, son maître spirituel trop méconnu quand celui-ci décéda en 1933, mais aussi à « la Hongrie d’avant-guerre » où les cafés se remplissaient de poètes et les Hongrois étaient encore heureux. Alors Sandor Marai fait revivre à son ami écrivain dénommé Sindbad son "dernier jour à Budapest". Celui-ci part un matin d’Obuda avec l’intention de gagner quelques sous. Mais quitte à revenir bredouille, le vieux Sindbad préfère errer en calèche dans la capitale « à la recherche des souvenirs de sa vie et d’un monde disparu ». Il s’enfonce alors dans la vapeur des célèbres bains Turcs, retourne au café Chicago où il aimait écrire, s’attable à l’hôtel London simplement pour retrouver l’odeur qui en émane. Les phrases sont longues à n’en plus finir, mais rythmées par des anaphores nombreuses, si bien que, loin d’être ennuyeuses, elles dégagent paradoxalement une nostalgie incurable et un profond amour de l’existence. Car le temps s'enfuit. C’est dans cette réminiscence, pleine de pudeur et du code de l’honneur, que Sandor Marai trouve son inspiration pour parler des âmes fières et des abris de rêve que sont les cabarets d'artistes ou les maisons de province à l'odeur de chou farci. Plutôt que passéiste, Sandor Marai est un visionnaire : son livre publié en 1940 a attendu 2017 pour être traduit en français et refléter une pensée bien d’actualité. Sa traductrice Catherine Fay, en respectant son style romantique, fait découvrir au lecteur la beauté de la littérature hongroise.
B.C.D
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2017
30 octobre 2017
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Editions : Albin Michel
Parution : 2ème semestre 2017
270 pages
C’est un long voyage à la recherche des Chrétiens d’ Orient que Vincent Gelot relate dans ce superbe livre de papier glacé, au format exceptionnel. Plus qu’un récit, il s’agit d’un recueil de témoignages vivants avec, à l’appui, tout un panégyrique de photos, portraits et paysages, prières et confidences. Parti en 2012 dans une vieille 4L avec son ange gardien pour seul compagnon, le jeune auteur parcourt en moins de deux ans plus de 60000km, du Liban à l’Afghanistan, du Yémen à l’Egypte. Son but : témoigner de la foi des Chrétiens d’Orient, de leurs souffrances et de leur espérance. Car leur résistance est héroïque et doit être connue du monde entier. Dans la campagne d’Anatolie subsistent les ruines de sanctuaires chrétiens et, sur les hauteurs d’Antioche, des grottes rappellent la présence d’ermites. En Irak, dans la plaine de Ninive, des sentinelles de pierre se dressent comme pour honorer les martyres disparus. A Ispahan de petits crucifix font office de pendentifs tandis que sur les poignets des jeunes enfants égyptiens de Minya est tatouée la croix du Christ. Ainsi, sur toutes ces terres menacées, Vincent Gelot voit que Dieu se manifeste encore. Malheureusement aux pays de l’or noir, l’Arabie Saoudite se refuse à faire le moindre compromis. Ce livre regorge de splendides illustrations et de confiance dans la pérennité des Chrétiens d’Orient. Malheureusement ce voyage remonte à plus de trois ans et, depuis, la charia s’est encore endurcie et les Chrétiens d’Orient ne cessent de souffrir. Puisse ce livre raviver la solidarité entre Chrétiens!
B.C.D.
Published by brigitte clavel-delsol
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2017