18 août 2021
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«Un été avec Rimbaud » par Sylvain TESSON
Editions : Equateurs parallèles
Parution : Avril 2021
216 pages
14,50 €
Plus qu’un été avec Rimbaud, c’est un été avec Sylvain Tesson qu’on a le plaisir de passer. Car il est indéniable que si celui-ci est soucieux d’éclairer la poésie du « voleur de feu » et justifier l’allure de ses « semelles de vent », c’est que Rimbaud est un autre lui-même. Ces deux aventuriers du globe embrassent la beauté, saison passagère que transcrit le poète. Et si la poésie est dans le mouvement et nous dépasse il faut savoir avancer, être des « voyants » en symbiose avec le monde plutôt qu’en recherche de sens. Pourquoi vouloir tout comprendre, tout décrypter, à tel point que la beauté échappe au profit de récupérateurs sans scrupules ? Rien n’arrête les deux aventuriers, ni le danger, ni les vers incompréhensibles. Et si tout semble inerte, à nous de réveiller le monde, de soulever ses voiles un à un. Peu importe le moyen, qu’il soit la drogue ou la paupière fermée, le commerce ou l’ennui. L’important est de chasser les horreurs du monde par la beauté des mots, et si le verbe n’arrive pas à exterminer le voyou et l’insatiable, « la réalité rugueuse » y pourvoit: c’est quand le cul-de-jatte rêve de montagne et de désert, c’est quand le romancier se met au service du néophyte comme de son ami :
"L’enfer, Arthur, c’est de laisser passer sa saison. Les illuminations, c’est quand on l’a compris..."
Brigitte Clavel Delsol
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2021
15 août 2021
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« Le cerf-volant » par Laetitia Colombani
Editions : Grasset
Parution : Juin 2021
205 pages
18,50 €
L'humanisme de Laetitia Colombani justifie le succès de ses livres. Son dernier roman se situe en Inde où elle évoque la condition des femmes actuelles encore soumises à la violence, à l’illettrisme et à la pauvreté. C’est précisément dans ce pays que Léna s’évade, suite à un évènement tragique dans sa vie personnelle. Là elle découvre cette caste d’ Intouchables dont la misère physique et morale est à son comble. Certes dans le village où elle s’installe il y a bien une brigade de filles révoltées qui tentent par la force de protéger les plus faibles. Mais Léna a une vocation d’enseignante et comprend vite que la culture apporte plus de liberté que la violence. Malheureusement cette liberté a un prix et Léna sera accusée quand l’une de ses protégées s’enfuira après un mariage forcé pour ne jamais revenir. Dans ce véritable reportage sur l’Inde et les méfaits de ses castes et de sa phallocratie, Laetitia Colombani honore le désir d’élever une société aveuglée et exploitée. Facile à lire, son ouvrage est à mettre entre les mains de tous les contempteurs de l’enseignement. Car il y en a, même en France: le mari de Léna en fut la victime.
B.C.D.
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2021
10 août 2021
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« L’île du couchant » par Gilbert Sinoué
Editions Gallimard
Parution : Mai 2021
291 pages
20 €
« Il y va des honneurs comme du feu. Certains peuvent vous consumer ». Telle est l’histoire du Maroc, dès son origine. Les tribus Berbères s’ y entredéchirent et pourtant seule la paix entre eux pourrait les faire survivre. Au XVIIème siècle, le sultan Moulay Ismaïl l’a compris et se battra jusqu’à ses derniers jours contre ses rivaux ou ses envahisseurs, désirant être le Louis XIV du Maghreb et comme lui étendre son territoire. Mais l’entente ne semble guère possible entre le sultan et ce roi. L’auteur nous montre les diplomates français pleins de fourberie et d’ignorance, sans pitié pour les prisonniers de guerre, tandis que le sultan impose sans vergogne sa religion au roi des chrétiens. Seul un médecin français, Casimir Giordano, parvient à relier ces deux pays antagonistes par son amitié pour Abraham Maïmoran, conseiller du sultan, plein de finesse et de diplomatie, et son amour pour Fatima pleine de confiance dans le Destin … Car les femmes de ce pays ont plus de pouvoir qu’on ne l’imagine, si on s’en réfère aux chroniques locales intercalées entre chacun des chapitres. L’intérêt du livre réside dans une très belle écriture où le sang semble parler au nom de l’histoire trop méconnue des Berbères et celle d’un « Honnête Homme » pris en otage mais capable de comprendre une terre étrangère mieux que n’importe lequel de ses politiciens et d’ y mourir sans regret…
B.C.D.
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2021
5 août 2021
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« DARDANUS » par Jean-Robert PITTE
Editions : Calmann Levy
Parution : Mai 2021
218 pages
18,50 €
Ce roman historique ne se voudrait-il pas initiatique avant tout? Qui est ce Dardanus qui accéda aux plus hautes fonctions de l’empire romain aux côtés de l’empereur Théodose ? Serviteur loyal et sans faille, témoin de tant de crimes et de pouvoirs usurpés, mais aussi de nombreuses conversions chrétiennes, il fut le plus haut général d’Occident, hanté autant par la présence des Barbares aux portes de Rome que par la corruption romaine responsable selon lui de l’effondrement à venir. Mais Jean-Robert Pitte ne se limite pas à la réussite politique de cet humaniste exemplaire. Dardanus est un épicurien, sensible à tous les plaisirs de l'existence qui au lieu de l’éloigner de la vie chrétienne ne vont cesser de l’en rapprocher. Sa quête de l’absolu l’entraîne à une courte retraite sur l’île de Lérins qu’il poursuivra par de nombreux échanges épistolaires avec les plus grands théologiens de l’époque que l’auteur nous fait partager. Ce livre est aussi beau qu’enrichissant et laisse le lecteur avec le désir certain de retrouver en Provence l’havre de paix que ce noble Romain avait construit une fois devenu préfet du prétoire des Gaules. Car Dardanus avait enfin décelé les limites de la raison humaine et compris que seule l’inflexibilité des dogmes chrétiens et l’indulgence pour l’humanité menaient à la paix divine. B. Clavel Delsol
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2021
23 juin 2021
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« Rien qu’une bête » par Franz-Olivier GIESBERT
Editions : Albin Michel
Parution : Mai 2021
357 pages
19,90 €
Franz-Olivier Giesbert ne ménage pas ses lecteurs. C’est en riant jaune que ceux-ci vont découvrir l’humour noir d’une expérience inédite, celle de Charles Aubignan prêt à subir le sort d'un cochon avant son abattage. C'est ainsi que Patrick et Laura , deux amis désireux comme lui de dénoncer la cruauté envers les animaux de boucherie, vont lui faire subir le pire des martyrs. La brillance de l’écriture de F-O Giesbert n’est pas au détriment d’une sensibilité qui va jusqu’à fusionner avec toute douleur, qu’elle soit humaine ou animale. Car c’est bien à toutes les espèces terrestres qu'il s’intéresse. L'horrible métamorphose d' Aubignan a vite fait de devenir insupportable, sous le traitement impitoyable de Patrick, vegan sadique, et de Laura, manipulatrice perverse, à tel point que la maltraitance impitoyable envers leur ami finit par retourner la situation. En dénonçant les gavages d’estomac, les castrations, les engraissements aux hormones et les abattages au couteau, F-O Giesbert tourne en ridicules ces idéologues pourvus des meilleurs intentions pour la cause animale tandis qu’ils martyrisent sans réticence aucune et tuent à petit feu leur meilleur ami. Belle satire du monde actuel où il est un péché de porter une fourrure, une cruauté d’être un carnivore, mais où il est permis d’avorter un enfant, d’euthanasier un vieillard, et de faire dévorer des troupeaux de brebis par des loups intouchables car sacrés..Livre sordide mais très drôle!
B. Clavel Delsol.
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2021
22 juin 2021
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« Au prochain arrêt » par Hiro Arikawa
Editions : Actes Sud
Parution : Mai 2021
184 pages
18,50 €
C’est au cœur de son pays que l’auteur japonais nous emmène, sur une ligne ferroviaire où un petit train toujours bondé dessert plusieurs gares urbaines. Les passagers montent et descendent, certains très silencieux, d’autres très bruyants, mais tous apportant un message qu’il faut savoir décrypter. Ainsi le conseil d'une grand-mère bienveillante sauve Shoko de sa tristesse, les paroles d’une lycéenne follement amoureuse remettent en cause l’amour de Misa pour un homme sans coeur. Les cas sont aussi nombreux que les passagers. Et quand on les recroise plus tard, ce sont les mêmes qui à leur tour témoignent du bonheur trouvé dans une heureuse providence. Car l’attitude de chaque voyageur est par elle-même une leçon de vie. Quand la suffisance pavane ou l’agressivité explose, un seul regard compréhensif, un seul mot d’encouragement, une simple réflexion enfantine suffisent pour consoler le cœur blessé, encourager à descendre du train à temps et remonter dans le suivant avec, pour seul recours, la confiance dans l’avenir. Au fur et à mesure que le train avance l’étendue de l’âme humaine se découvre aussi ample que les paysages traversés. Ce joli voyage allégorique n’est autre que le reflet de la délicate sensibilité de l’auteur qui se plaît à rappeler les vraies valeurs humaines, le respect de l'autre et la fidélité à soi-même sans la moindre concession à une tyrannie ambiante. Un bel ouvrage pour amateurs de psychologie humaine!
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2021
10 juin 2021
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« La beauté dure toujours » par Alexis Jenni
Editions : Gallimard
Parution : Avril 2021
254 pages
19 €
A. Jenni est poète de nature mais il est regrettable qu’il mette ses talents au service de l’indécence. Car que relie Noé à Félice dans un livre qui se veut roman d’amour, si ce n’est sa « queue », mot récurrent du début à la fin ? Certes ces deux êtres sont attachés l’un à l’autre, mais leurs différences s’accroissent au fur et à mesure que leur histoire se déroule. Félice est une avocate brillante qui se consacre à défendre les accusés à tort, car la police attrape toujours les plus faibles, les malins étant plus aptes à leur échapper. Noé est un artiste qui ne sait rien faire d’autre que de dessiner Félice. Les voyages, les dîners mondains ne l’attirent pas, ils le rongent de jalousie en voyant la brillance et le succès de Félice en public. Alors Félice ressent de temps en temps le besoin de prendre du large, pour revenir toujours à lui plus implorante que jamais. Ce livre a quelque chance de remporter du succès : les féministes y trouveront tous les arguments de la femme objet en découvrant le sadisme du premier mari de Félice, les adeptes de l’impudeur y trouveront leur compte, de même que les opposants à l’ordre public. Malheureusement la contemplation charnelle n'apporte pas la clé du bonheur. Certes le narrateur fait l’éloge du langage des corps mais avec une telle indécence mélangée d'inquiétude que, contrairement au titre du livre, c’est un vide abyssal « qui dure toujours » et dans lequel Noé ne peut que « battre des ailes ». On a bien du mal à imaginer Alexis Jenni ,professeur dans un lycée de jésuites lyonnais, transmettre l'enseignement de la Foi …
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2021
15 avril 2021
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« Les terres promises » par Jean-Michel GUENASSIA
Editions : Albin Michel
Parution : Mars 2021
612 pages
22,90 €
Le Club des Incorrigibles Optimistes a légué à Michel Marini le plus beau des héritages : il lui a enseigné que si personne n’est à l’abri de la malchance, chacun est responsable de soi. Mais faut-il vivre ses rêves à tout prix ? La sensibilité de Michel, qui deviendra un célèbre photographe plein d’humanisme et un amoureux plein de persévérance, contraste avec le comportement révolutionnaire de Franck son frère. Un fatalisme semble s’écraser sur ceux qui veulent changer le monde. Franck, après avoir déserté l’armée française et être devenu apatride, se voue à l’avenir de l’Algérie, découvre l'incompétence des nouveaux technocrates, les cruautés de Boumédiène et les bakchichs du commerce. Mais rien ne l’arrête dans son désir de redresser ce pays, ni l’ingratitude du petit voyou orphelin qu’il recueille, ni la colère de son ami épicier Hassen contre les mécréants et recherche, pour se consoler, la vie de Foucauld par Bazin dans la librairie de son ami Habib. Quant à Igor, le père spirituel de Michel, médecin juif qui a fui l’URSS pendant les purges soviétiques, il décide de retourner dans son pays natal pour retrouver les siens. Mais c’est une impitoyable dictature qui l’accueille, où la trahison d’un fils sera adoucie par un neveu inconnu. Les kibboutz juifs ont vite fait de lasser Camille et Michel, tandis qu’Israël se trouve isolée au milieu d’une ceinture ennemie et appelle les siens à la rescousse. Jean-Michel Guenassia ne donne pas de solution, mais décrit les affres de la torture, de l’abandon, ou de la vengeance. Il laisse le lecteur découvrir les méandres de l’âme humaine. Les sentiments fraternels, parentaux, ou amoureux sont loin d’être toujours compréhensibles pour celui qui ne sonde pas les cœurs. Mais la compassion apporte le secours inespéré, comme la loi du sang parvient à réaliser des miracles et l’amitié à redonner confiance. Tel est le rôle de ceux qui s'aiment. En emportant le lecteur aux quatre coins du monde, en faisant maints allers retours entre ses personnages, entre heurs et malheurs, entre athéisme et mysticisme, J-M Guenassia épate par son impartialité et sa capacité d’étreindre toutes les aspirations humaines. Une chose est certaine : la vie est celle qu’on se fait quand on lui donne un coup de pouce ! Le trèfle à quatre feuilles falsifié n’en est-il pas la preuve? Roman très réaliste et magnifiquement écrit qui pourrait bien être le livre de l’été !
B. Clavel Delsol
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2021
31 mars 2021
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« L’homme de Césarée » par Françoise Chandernagor
Editions : Albin Michel
Parution : Février 2021
380 pages
22,90 €
« J ‘ai besoin de croire à ce que j’écris » tel est le secret de Françoise Chandernagor qui, en restant toujours au plus proche de l’Histoire de l'Antiquité, ressuscite la petite reine Séléné, fille de Cléopâtre et Antoine, sous le règne tyrannique d’Octave Auguste. Dans les yeux asséchés d’avoir trop pleuré subsiste l’angoisse d’une enfant que seule la vengeance de ses parents pourrait apaiser. Le récit de Françoise Chandernagor est vivant : l’empereur Auguste a droit de vie ou de mort sur les nouveau-nés, noue et délie les mariages à son gré, remet Juba sur le trône des rois berbères et a la bonne idée de lui envoyer Séléné comme épouse pour s’en débarrasser. C’est un homme puissant et cultivé que Séléné découvre en Juba. Tout réunit ce couple, l’embellissement de Césarée en une petite Alexandrie, la découverte de la source du Nil dans cette terre aride, sans oublier l’humiliation commune qui remonte à leur enfance lors du défilé du Triomphe sur l’Afrique. Sans doute est-ce par esprit de vengeance que l’architecture de Césarée fut d’inspiration et de réalisation exclusivement grecque et égyptienne. Mais si « le Jardin des Cendres » est le reflet de la tristesse inassouvie de Siléné qui mourut en véritable Antigone, Françoise Chandernagor laisse émaner, au-delà des odeurs de sang, les parfums sucrés de l ’Arabie, et échapper, de la bouche de Séléné, les plus beaux vers de “ L’ Art d’aimer” d’Ovide ! Livre tout aussi beau et enrichissant que les deux premiers de la trilogie que le lecteur aimerait bien voir se poursuivre…
B. Clavel Delsol
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2021
24 mars 2021
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« La vie rêvée du joueur d’échecs » par Denis GROZDANOVITCH
Editions : Grasset
Parution : Janvier 2021
196 pages
19 €
Homme de lettres, grand sportif et passionné du jeu d’échecs, Denis Grozdanovitch souligne d’emblée l’importance de l’activité ludique qui a quelque chose de sacré et qu’il faut préserver à tout prix. De suite il réhabilite le joueur d’échecs, communément caricaturé à cause de sa profonde concentration comme un être renfermé, insensible à son environnement. Car loin d’être un robot, ( et D. Grozdanovitch saura démontrer la capacité de programmation en stratégie de l'homme bien supérieure à la stricte tactique des ordinateurs ), le joueur d’échecs développe, par son assiduité au jeu et son exactitude dans le raisonnement, un potentiel d’anticipation, de réflexion et de rapidité tel que son but ultime n’est plus la victoire mais une vision synthétique de la partie sur l'échiquier. Le combat devient harmonie, reconnaissance de l’adversaire comme « moteur immuable" du jeu et du monde . Les mille variantes des soixante-quatre cases ne sont autres qu’un moyen de prendre conscience de l’incomplétude des lois mathématiques et d’une échappatoire possible à la lourde machine en marche du nihilisme. Le jeu d’échecs ne serait-il pas qu’une vivante allégorie de la vie où le joueur fait face aux vicissitudes du quotidien en maintenant droit son équilibre? Ainsi ce livre plaira à tout lecteur, joueur d’échecs ou non, car quel que soit son domaine, le joueur n’est il pas toujours un « pousseur de bois », un enfant manipulateur de figurines, un fertile aventurier ?
B. Clavel Delsol
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