Editions : Feux croisés
Parution : Janvier 2014
787 pages
Rien dans le style prolixe de Donna Tarrt ni dans l’enchaînement des évènements catastrophiques de la vie du jeune Théodore ne laisse prévoir une envolée finale aussi optimiste qui mérite que ce livre épais soit lu jusqu’à sa dernière page. Si le début du roman semble inspiré par la thèse rousseauiste à savoir que l’ « homme naît bon, la société le dégrade », ou celle de G. Cesbron qui laisse entrevoir le jeune Théo comme « un Mozart qu’on assassine », le problème du bien et du mal soulevé par l’auteur est beaucoup plus nuancé : seules les expériences de la vie, les larmes jamais taries et les repentances sincères donnent une raison de vivre bien plus consolatrice que l’alcool et la drogue dans lesquels se noient Théodore et son ami Boris comme le firent avant eux leurs pères respectifs. Enfant mal aimé par un paternel violent et lâche, Théodore a pour seule richesse l’amour de sa mère qu’il perd lors d’un attentat au musée de New-York tandis que celle-ci se plaisait à admirer en sa compagnie « le chardonneret » de Carel Fabritius, disciple de Rembrandt. Lui-même miraculeusement épargné, Théodore s’échappe du musée en feu avec « le chardonneret » à la main, tableau dont la disparition lui causera plus d’un déboire, sa déchéance autant physique que morale, voire la perte de sa propre identité. A cause de Boris l’ami voyou et sans peur, mais combien fidèle, il lui faudra courir le monde, jusqu’à ce que son désespoir atteigne quelque chose de sublime, cet espace sacré « entre vérité et non-vérité » qui lui fera mieux comprendre tous ceux qu’il croisa sur son chemin. Ainsi après avoir découvert que « la tentative conventionnelle » est aussi absurde que la drogue dure, Théodore conjure « de traverser le cloaque tout en gardant nos yeux et nos cœurs ouverts ». Roman qui sonne comme un appel à sortir du labyrinthe de la vie tous ceux qui s’y enfoncent désespérément.
B Clavel Delsol