7 février 2022
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« CONVERSATION A LA CATEDRAL » par MARIO VARGAS LLOSA
Editions : Gallimard
Parution : Avril 2021
1er dépôt légal : 2015
622 pages
Pourquoi un jeune Péruvien comme Santiago perd-il toute ambition ? Comment un régime politique peut-il se dégrader jusqu’à faire une contre-révolution sanguinaire en plein XXème siècle ? Mario Vargas Llosa nous donne la réponse par un récit labyrinthique de l’histoire de son pays. Richesse et pauvreté se côtoient, Légalité et Egalité rivalisent, pouvoirs politique et militaire se confondent, obéissance et trahison se succèdent, tandis que les épouses s’enferment dans leurs principes et les prostituées profitent jusqu’à l’indécence d’amants fortunés. Seul Santiago est attachant : ses amis marxistes le traitent de petit-bourgeois et ses parents de révolutionnaire. Car Santiago a honte de son père, supporteur de la dictature d’Odria, et veut gagner son indépendance en travaillant comme journaliste. A travers des dialogues chaotiques entre passé et présent, entre politiciens ou employés de maison, se dessine une société à la Houellebecq. On voit Cayo Bermudez, bras droit du ministre de l’intérieur du gouvernement odriste, surveiller, arrêter, supprimer le moindre rassemblement suspect, tout en relâchant Santiago, le fils de son ami. On assiste à la collaboration apparente avec le régime des entrepreneurs arrivistes comme don Firmin, le père de Santiago. Le parti unique organise des meetings où le peuple a l’obligation de se rendre, et ce, jusqu’à la victoire de la célèbre Coalition d’Arequipa. Les mœurs des dirigeants sont débridées à tel point que l’ex- maîtresse de don Cayo Bermudez finit par être assassinée, qu’Ambrio, ancien chauffeur de la famille de Santiago révèle l’inavouable sur don Firmin. Le style est très familier, les dialogues pleins de spontanéité, si bien qu’il faut un peu de temps au lecteur pour comprendre les allers retours dans le temps et découvrir la duplicité des personnages, quand les bons sentiments sont submergés par les pires exactions. Alors , en dehors des bordels, la vie se poursuit dans la plus grande monotonie. Seul le Rouquin , décidé à reprendre en main le sort de son pays et de sa famille, apporte avec sa chevelure quelque espoir de lumière…. Cet ouvrage est une belle démonstration a contrario de la nécessité d'une démocratie libérale et chrétienne !!!!
B.C.D.
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2015
30 octobre 2020
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« Manderley for ever » par Tatiana de Rosnay
Editions : Albin Michel
Parution : Mars 2015
437 pages
22 €
Si les romans de Daphné du Maurier ont quelque chose de désuet, Tatiana de Rosnay les remet au goût du jour avec un talent imparable. Elle nous transporte dans cette Cornouailles sauvage qui sauva la jeune londonienne des impératifs mondains et de l’emprise de ceux qui l’aimèrent et la possédèrent à son insu. C’est la mer, le bateau du futur général Frederick Browning, les horizons infinis le long du littoral et les vieux manoirs oubliés aux allées sylvestres qui vont la faire vibrer et la révéler à elle-même avant de trouver le succès littéraire auquel elle rêvait tant. Si son envoûtement pour le domaine de Manderley passe avant tout le monde, c’est parce qu’il est un refuge voire une forteresse face aux contingences quotidiennes. Un trop plein de solitude dû aux obligations militaires de son époux va justifier sa nature qui se prête plus qu’elle ne se donne, qui entend deux voix en elle, celles du yin et du yang, celles de la joie de séduire par des histoires sombres et dramatiques. Et quand l’inspiration ne viendra plus elle s’acharnera à des biographies aussi travaillées que celle de Tatiana de Rosney. Livre très plaisant qui replonge le lecteur dans cette Angleterre victorienne pleine de mystères.
B. Clavel Delsol
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2015
16 septembre 2020
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« Trompe-la-mort » par Jean-Michel GUENASSIA
Editions : Albin Michel
Parution : 2015
388 pages
22 €
. Ce « Trompe-la-mort » n’a rien à voir avec celui du « Père Goriot ». En reprenant ce surnom, J-M Guenassia affirme toutefois sa filiation avec Balzac, ce désir d’illustrer la comédie humaine à partir des mœurs de son temps. Tom Larch est le prototype même du héros balzacien, plein de bons sentiments, de courage mais aussi de désillusions. Si le roman commence dans une atmosphère et un style des plus romantiques sous un ciel de cerfs-volants indiens, la réalité de la vie a vite fait de s’acharner avec hargne sur ce personnage qui saura toujours résister aux auras de la réussite dans une société où la gloire et l’argent tiennent lieu de morale. Voulant fuir une situation familiale insoutenable il se met au service des Royal Marines. La guerre en Afghanistan et en Irak d’où il ressort vivant lui fait une notoriété de « trompe-la-mort ». Mais Tom n’est pas dupe. Congédié de l’armée pour une soit disant incapacité physique due à ses blessures, il découvre le ridicule des comptes d’apothicaire de l’armée, l’esbroufe d’une reporter carriériste et d’un audimat avide de sensations fortes. Comme chez Balzac l’héroïsme n’est plus dans les grandes actions publiques, mais dans le dévouement d’un père pour son enfant, d’un citoyen soucieux d’une jeunesse désoeuvrée, d’un enquêteur qui remue terre et ciel pour aider la jeunesse de New Delhi à sortir de la misère. Comme Balzac dont le réalisme était celui d’un visionnaire avant l’heure, J-M Guenassia perçoit à la perfection les arcanes du monde : un désir utopique de transformer la nature humaine corrompue ou de la fuir dans un ashram hindou à défaut de s’embourber dans l’enfer d’une prison de New Delhi. Histoire magnifique et tellement vraie…
Brigitte Clavel Delsol
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2015
9 avril 2020
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« La route sombre » par Ma Jian
Editions : Poche
530 pages
8,40 €
(Flammarion: 2015)
Ce livre plus noir que sombre ferait douter de sa véracité si l’auteur lui-même n’affirmait pas que « le rôle de l’écrivain consiste à sonder les ténèbres et par dessus tout à dire la vérité. » Il n’est autre que l’histoire d’amour de Kongzi et Meili devenu un cauchemar à cause du despotisme impitoyable du gouvernement chinois lors de sa politique de l’enfant unique. A une époque où on ne cesse de parler de surpopulation et où la Chine est nommée au Conseil des droits de l'homme à l'ONU, sa lecture est incontournable. Le style est direct: si la terre appartient à l’Etat, le ventre de la femme appartient au gouvernement. Alors les agents du Planning familial grouillent de partout, avortent et posent des stérilets de force, tandis que les rivières surabondent de fœtus et de cadavres de suicidées. Voulant échapper à ce triste sort qui ne cessera de les rattraper, Kongzi et Meili s’embarquent sur le Yangtze pour s’installer dans une région marécageuse et polluée, symbole de leur enlisement dans le malheur, avant d’atteindre la Cité Céleste qui n’est autre qu’un dépotoir de rebus électroniques. Combien de temps faudra-t-il à Meili pour donner un sens à son existence, pour réaliser que sa survie ne dépend que d’elle seule, pour comprendre que la transmission de la vie apporte plus de bonheur que le succès d’une chanteuse étoile ou d’une femme d’affaires ? Ni Kongzi le mari confucéen maladroit, ni Tang le bienfaiteur, ni Nannan qui souffre de ne pas être le garçon désiré, ne parviendront à l’écarter de sa vocation d’amour… Interdit en Chine et exilé à Londres pour révéler en toute liberté ce qui se passe dans son pays, Ma Jian est « l’une des voix les plus importantes et les plus courageuses de la littérature chinoise contemporaine » selon Gao Xingjian qui reçut le Prix Nobel de la littérature de l’année 20OO.
B. Clavel Delsol
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2015
20 mai 2019
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« SOLSTICE » par François Taillandier
Editions : Stock
Parution : Décembre 2015
208 pages
18 €
Le solstice, emblème commun aux traditions païennes et chrétiennes, n’amoindrit pas pour autant les divergences humaines.Dès le début de ce roman historique c’est l’effondrement annoncé du grand empire romain d’Occident avec l’invasion musulmane de l’Hispanie wisigothique. Mais le petit peuple d’Espagne ne perd pas son identité. A partir d’une poignée de moines et de soldats il parvient à proclamer roi des Asturies le noble chrétien Pelayo, à faire de Compostelle l’étendard de la chrétienté. Et le saint moine Beatus de dénoncer avec vigueur le démon dans les « accomodements » avec les suppôts de l’Antéchrist. Le combat retentit jusqu’à la cour de Charlemagne où Eginhard, modeste scribe, témoigne des bonnes intentions de son roi pour dispenser culture et piété et de ses tentatives de rapprochement avec San Suleyman ou Haroun le Sage. Mais la paix ne dure jamais, la rupture est partout, la haine ethnique fait des ravages, l'ombre d'un schisme se dessine en filigrane, c’est ce que découvre en remontant le temps Ahasvérus, le Juif errant, qui finit par perdre espoir. Tout serait donc faux dans ce que le Talmud lui a appris ? Si la croix du Crucifié est vide, si Dieu ne répond pas, si seul l’âne brait, c’est que l’homme est appelé à sans cesse "pérégriner". Mais point de révolte chez F. Taillandier : « On ne conteste pas les choses comme elles sont. On est né avec. On en fait partie ». De beaux passages lyriques alternent avec un récit historique parfois laborieux, mais l’auteur n’apporte ni solution, ni espérance, juste la constatation de la petitesse humaine avec ses prétentions, sa violence, ses erreurs et ses malheurs.
B.C.D.
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2015
5 août 2017
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Editions : Stock
Parution : Décembre 2015
256 pages
19€
François Taillandier aime écrire des romans à partir de personnages historiques qu’il a plaisir à démystifier pour les rendre plus proches de nous car « les sentiments fondamentaux sont universellement les mêmes », donc riches d’enseignement. L’empire romain et le royaume des Francs se meurent en même temps que leurs chefs. Ce sont ceux-là mêmes que l’auteur nous dépeint sur leur lit de mort, l’empereur Héraclius et le roi Dagobert. Le premier est lucide sur la versatilité de son peuple qui le voue aux gémonies lors des défaites et l’encense lors des victoires, la second est plein du remords de sa lâcheté vis à vis de l'Espagne envahie par l'Islam. L’agonie ne fait qu’augmenter les angoisses comme s’il fallait quitter le monde pour mieux le comprendre. Moins d’un siècle plus tard, comme le flux et le reflux, les « cavaliers noirs » réapparaissent pour s’avancer toujours plus au Nord et engendrer la terreur. S’ils sont vainqueurs, le calife Omar en déduit que c’est la volonté d’Allah. Karl Martel troque alors le marteau du dieu Thor contre la croix du Christ, et cela sous la recommandation du moine St Boniface et l’œil vigilant de son maître, le chroniqueur Frédégaire. Ce dernier, personnage le plus attachant du livre, sans doute parce qu’il est l’alter ego de l’auteur, a pour tâche d’écrire les évènements politiques de son temps où toutes les figures doivent être représentées, celles du bien comme celles du mal, « car l’histoire des hommes n’est rien d’autre que l’histoire de la Chute, et des efforts qu’ils font ou ne font pas… ». Lourde responsabilité qui effraie Frédégaire autant que F. Taillandier, car il n’est pas facile de démêler les rivalités dynastiques, les descendances légitimes ou bâtardes et de faire d’hallucinations mythiques « la religion du livre »…
B.C.D.
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2015
22 mars 2017
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Editions : Le Castor Astral
Parution : Janvier 2017
150 pages
14 €
Il a fallu attendre 2015 pour que cet ouvrage sur Paul Verlaine écrit en 1902 par S. Zweig soit traduit en français. Olivier Philipponat, biographe bien connu, rattrape ce retard avec une préface prometteuse et bien justifiée. Car l’exploration poétique de Stefan Zweig se veut connaissance de l’homme et du monde qui l’entoure, au moyen d’un style imagé qui entend percer le secret des cœurs et des choses. La vie de Verlaine est « un merveilleux jardin de fleurs d’une beauté séductrice, d’une perversité bariolée, dans lequel lui-même ne s’est jamais senti à son aise ». C’est en fin psychologue que S. Zweig nous dépeint ce poète comme un « enfant effrayé » ou un « mendiant accablé », sans pour autant dissimuler sa faiblesse en la qualifiant de « masse molle dénuée de force et de résistance ». Car on le sait, à peine relevé de ses déboires, Verlaine rechutait, ce que S. Zweig explique parfaitement par l’écartèlement intérieur de deux forces, le sensuel et le spirituel, qui doivent s’unir plutôt que se combattre, et que malheureusement des caprices, purs ou dépravés, finirent par gagner. Nul doute que c’est à Verlaine qu’on doit l’inspiration de « Bruges », beau poème de S. Zweig avec lequel il termine son livre, "Tel un enfant aveugle qui abandonne soudain la main du guide. »
B.C.D
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2015
15 août 2016
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Editions : Actes Sud
Parution : Août 2015
192 pages
18,80 €
Ce titre est très significatif, car si le roman est la narration de la libération d’Etienne, photographe de guerre pris en otage, il va en fait bien au-delà des souffrances morales du prisonnier relâché. En même temps que le lecteur assiste à la lente réadaptation d’Etienne, il découvre Irène avec ses éternelles angoisses de mère, Enzo l’ami fidèle à sa terre, Jofrenka l’avocate obsédée du sort des femmes humiliées comme de celui de ses deux amours d’enfance, Emma lasse d'attendre un mari toujours absent. Jusque là chacun poursuivait son chemin dans une solitude longuement apprivoisée, chacun finissait par se lover dans une paix devenue confortable avec le temps jusqu’à ce que le retour d’Etienne vienne tout chambouler. Ils réalisent que leur vie s’est faite malgré eux, que tous sont otages de leurs émotions. Ils réagissent chacun à leur façon, mais tous avec un « sentiment de liberté grande ». Jeanne Benameur ouvre des horizons, mais combien incertains! Irène s’effraie de « voir rentrer dans la maison ce contre quoi elle a toujours lutté » et laisse entrevoir une tristesse inévitable, celle d’une mère qui sait le parfait bonheur impossible. Livre magnifique, très poétique, très romantique, où les mots en disent long sur la difficulté de l’existence quand une vision utopique de la vie se prolonge trop longtemps.
B. C. D.
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2015
28 mai 2016
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Editions : Gallimard
Parution : Juin 2015
460 pages
21 €
Prix du Roman de l’Académie française 2015
Historique et intemporel, romanesque et réaliste, ce roman a tous les atouts. En 1920 la ville de Nahlès en Afrique du nord est perturbée, les autochtones sont complètement dépassés, car "marcher avec son temps" n’est pas facile: l’esprit fermé et suffisant du club des colons français dénommé « les prépondérants » est devancé par la liberté des mœurs d’une troupe d’acteurs américains débarquée au Grand Hôtel pour le tournage d’un film. Le style coule à flots comme l’alcool de figue bu en catimini ou le whisky qui arrose les nuits. Le matérialisme des Américains contraste avec le traditionalisme des Arabes et la prétendue suprématie des Français. Néanmoins qu’ils soient yankees, indigènes ou européens, la nature humaine est toujours la même : les femmes provocantes sont l’engeance du diable et n’en demeurent pas moins attirantes, l’obscurantisme intransigeant rend grotesque la religion quelle qu’elle soit, l’impérialisme engendre spontanément un nationalisme justifié. L’atmosphère exotique est magnifiquement décrite, à tel point que le lecteur oublie la misère sous-jacente. Tandis que la belle Rania aussi cultivée que nationaliste s’enveloppe dans sa solitude, Raouf, son jeune cousin, saura-t-il résister à l’attrait d’un communisme international ? L’auteur dépeint les cœurs et les pensées avec finesse et une justesse sans faille. Malgré leur bonne volonté, la plupart des protagonistes rencontrés se trompent dans leur choix amoureux et politique, dans leurs préjugés et dénonciations. Aucun ne pressent le tragique dénouement qui tombe sur la ville comme un déluge ou une pluie de sauterelles. Tous apparaissent comme des « attardés de l’histoire ». Belle leçon d’humanité!
B. C. D.
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2015
18 mars 2016
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Editions de Fallois/ Paris
Parution : Août 2015
471 pages
22€
Estimation : 4,5/5
« Je vous aime, les Goldman » sera la conclusion du lecteur en refermant ce livre. Car celui-ci y trouve les valeurs qui forgent une famille, les jalousies qui la mettent en danger, les ambitions qui embellissent l’existence avant que la mort détruise les rêves. Si la bourse symbolise la versatilité du destin, chaque personnage reste néanmoins maître de son existence. La troisième génération des Goldman apparaît tout aussi différente mais obstinée que les deux précédentes. La magnificence des apparences familiales va malheureusement vite s’estomper au profit d’une vérité authentique sur la valeur de l’individu plus importante que celle de la tribu. L’auteur a tout le talent nécessaire pour faire découvrir chacune des mille facettes de l’Amérique comme celles de l’éternel humain, huppée ou vulgaire, généreuse ou égoïste, bornée ou audacieuse, violente ou pacifiste. Cette très jolie saga, où les protagonistes sont aussi attachants que le narrateur lui-même, a un fil conducteur qui fait des allers–retours entre des souvenirs d’une enfance merveilleuse et un présent tragique. Car dès les premières pages « le Drame » est annoncé, et s’il reste mystérieux jusqu’au dénouement, le lecteur se rend vite compte que les promesses de la jeunesse ont du mal à rattraper le bonheur d’’ « être en paix avec soi-même ».
Brigitte Clavel Delsol
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2015