21 novembre 2011
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traduit du Chinois par Brigitte Guilbaud
Editions : Philippe Picquier
Parution : Avril 2010
117 pages
14,50 €
Ce petit ouvrage arrive comme un écho de la Chine de Mao. Les paysans sont dans la plus grande misère, le père de Yan Lianke se ruine la santé pour faire survivre les siens. La solidarité familiale est grande. Le souci de chacun est de ne pas être un poids pour les autres, autant moralement que matériellement. Alors Yan Lianke, las de tant de pauvreté, s’engage dans l’Armée populaire de libération, juste au moment où la Chine intervient dans la guerre du Vietnam. La tristesse de voir son fils partir à une telle guerre finit d’achever le corps épuisé du père et dès lors Yan Lianke culpabilise. C’est pourquoi il lui dédie ce petit livre. Les souvenirs d’une enfance dure mais heureuse s’accumulent, et tandis que Mao tente de supprimer les valeurs familiales traditionnelles et reprend les parcelles de terre communale prêtées aux paysans, l’auteur réalise qu’il ne lui reste que l’amour filial et la douceur de la prière.
Brigitte Clavel
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2010
16 novembre 2011
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Editions : JC Lattès
Parution : Juin 2011
476 pages
22,50 €
« L’enquête prussienne », comme « Critique de la raison criminelle » paru en 2008 sous le même pseudonyme, est plus qu’une excellente enquête policière. L’histoire, comme l’indique le titre, se passe en Prusse orientale juste après la bataille d’Iéna. Le pays, dans une misère effroyable, est déchiré et les crimes se perpétuent. Certains prussiens se préparent à une cruelle vengeance contre l’envahisseur tout en faisant preuve d’un antisémitisme sans pitié, d’autres préfèrent une digne coopération pour adoucir l’après-guerre et reconnaître, comme le préconise la loi napoléonienne, l’égalité des races.Mais des rumeurs accablantes courent au sujet des rites juifs et les évènements leur donneraient raison si deux enquêteurs ne se chargeaient pas d’élucider avec sérieux un crime innommable, celui de trois enfants retrouvés morts, mutilés. Le narrateur, Hanno Stiffeniis, magistrat prussien est chargé de l’enquête, sous l’escorte du criminologue attaché à l’armée française Serge Lavedrine. Tous deux fidèles disciples de Kant ne vont cesser de se battre chacun à leur manière pour la vérité, Lavedrine faisant preuve d’un rigorisme sans merci, Stiffeniis ayant recours à une intuition qui n’a d’autre nom que le respect de l’accusé. Les détails parfois bien lugubres et les circonstances horrifiantes ne découragent pas le lecteur, qui sous la violence, découvre la fragilité humaine comme auteur du crime.
Brigitte Clavel
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2011
15 novembre 2011
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Editions : JC Lattès
Parution : Septembre 2011
437 pages
19 €
Delphine de Vigan a envie de « raconter sa mère », Lucile Poirier, qui vient de se suicider. Pour se rapprocher d’elle, elle s’enfonce dans l’écriture, qu’elle veut quête de vérité et hommage filial, étude psychanalytique autant qu’autobiographique. Car les détails réalistes et fantasmatiques s’entrecroisent. Pour comprendre l’inconsistance de Lucile, il faut tenir compte de sa beauté aussi grande que sa fragilité psychologique et remonter le temps de son enfance. Dans cette famille nombreuse, les joies et les chagrins s’alternaient à vive allure grâce à l’amour rayonnant de Liane et Georges, parents de neuf enfants dont Lucile, et grands-parents maternels de Delphine de Vigan. Malheureusement il y a le revers de la médaille : à l’âge adulte, le mal-être de Lucile, à peine perçu jusque là, éclate au grand jour, ses drames personnels se multiplient jusqu’à lui faire perdre la raison. Alors il faut en trouver la cause. Les amants successifs, la drogue et l’alcool sont des pis-aller. Mais la toute puissance du pater familias et le rayonnement d’une mère fantaisiste ont vite fait d’être dénoncés comme responsables. La fascination que Lucile enfant ressentait pour son père se transforme en haine, l’amour filial devient accusateur d’actes innommables. Comme Lucile, le livre perd de sa beauté et Delphine de Vigan de sa lucidité. Un style narratif relate avec banalité les allers et retours de Lucile entre l’hôpital psychiatrique et ses crises de folie. Ses investigations lui permettent de trouver dans sa famille autant de maniaco-dépressifs incurables que de témoignages d’incestes sans preuve. Delphine de Vigan veut justifier sa mère, épouse sa cause jusqu’ à ne faire plus qu’un avec elle, sonde aveuglément les inclinations de chacun et ne veut rien laisser sous silence. Le livre arrive à son paroxysme quand Lucile, sous prétexte d’avoir trouvé la paix, choisit posément de se donner la mort. C’est ainsi que le prix Renaudot des Lycéens reflète le pessimisme ambiant d’une jeunesse en bien mauvaise santé, pour qui la famille est devenue une institution bien peu fiable.
Brigitte Clavel
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2011
7 novembre 2011
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Editions : Gallimard
Parution : Septembre 2011
632 pages
21 €
Alexis Jenni est né un an après l’accord d’Evian. Son problème est celui du narrateur anonyme, son alter ego : il ne comprend pas la France, il ne connaît rien à la guerre, il est encore tout « emballé » de son éducation qui protège certes, « mais vivre emballé n’est pas une vie ». Alors, en tant que professeur, Alexis Jenni veut transmettre aux générations à venir « des trucs qu’on n’apprend pas aux écoles ». Les soldats qui partent à la guerre ont-ils un coeur ? Un autre moyen que « la force de l’ordre » n’existerait-il pas pour établir la paix ? Comment rester aveugle devant tant de morts anonymes ? A quoi sert de « s ‘entraîner à tirer juste », quand la réalité est toute de hasard, d’incompréhension et d’éternel recommencement? Car les bonnes volontés sont nombreuses, mais bien vaines. A de telles questions, lourdes d’angoisse et de mauvaise conscience, le vieux Savagnon répond avec la lucidité d’un homme d’expérience. Il a fait trois guerres, celles de 40, d’Indochine et d’Algérie, mais il les a faites en innocent. Ses talents en peinture lui permettaient de « recoudre » au fur et à mesure ce que le monde déchirait, à la différence des autres, déchirés à jamais. Et leur liste est infinie. Et c’est là que « L’art français de la guerre »fait mal. Il ressasse les crimes du XXème siècle dans "le labyrinthe" infernal de l’écriture, il amalgame les guerres coloniales passées et celles actuelles des banlieues, il offre un tableau de personnages tous aussi diversifiés les uns que les autres mais tous impliqués dans une spirale d’incompréhension mutuelle et de cruauté, dont l’origine, selon l’auteur, est « la pourriture coloniale », le refus de la différence culturelle et religieuse, le partage inéquitable des richesses. Si la vraie raison de la littérature est d’attribuer à la vie le tragique de la guerre, de présenter l’amour charnel comme seul délice et la peinture noire comme seule lumière, pas étonnant que A.Jenni ait remporté le prix Goncourt: son style magnifique, lent et rythmé, reste le triste écho des idées qui ont le vent en poupe. Mais heureusement, au travers de son souci viscéral de paix, subsiste une flamme d'espérance.
Brigitte Clavel
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2011
3 novembre 2011
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Editions : Albin Michel
Parution : Novembre 2011
262 pages
18 €
Catherine Ecole-Boivin recèle toute la sensibilité d’une romancière moderne pour qui la culture mythologique est source d’inspiration. Peut-être est-ce notre monde civilisé, plein de confort et d’idéologies, qui l’incite à se plonger au cœur de la vie rude de sa Normandie natale du siècle dernier où déjà cléricalisme et patriotisme étaient, selon elle, bien décevants. Historienne de formation, elle se concentre, dans ce dernier roman, sur des pauvres êtres, « les bergers blancs », anciens navigateurs devenus bergers errants. Ceux-ci font peur avec leur physique d’albinos détrempés, aux pieds nus et à la longue chevelure blanche. Mais Léo, leur chef, par ses dons de guérisseur, son détachement des richesses et son sens de responsabilité pour les plus démunis, force le respect. Tout en envoûtant le lecteur par le charme des couleurs pâles de ce pays où se confondent ciel et mer, Catherine Ecole-Boivin rappelle que les bienfaits de la civilisation n’apportent pas toujours le bonheur.
Brigitte Clavel
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2011
26 octobre 2011
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Editions : P.O.L
Parution : Août 2011
489 pages
20€
Biographie romancée, ancrée dans la Russie poststalinienne, « Limonov »révèle deux hommes : le héros et l’auteur du livre, et si l ‘amalgame des deux est le gage de la réussite, ce livre en est une. Tous deux de la même génération, ils ont la même conviction: un pays au Parti unique engendre non seulement « la pauvreté, la crasse » mais « cette méfiance butée, cette bassesse, cette trouille mauvaise répandues sur les visages ». Carrère a hérité de sa mère l’esprit d’analyse, mais il n’en possède pas moins une âme tourmentée. Comme Limonov, il a du mal à oublier un grand–père maternel destitué par le KGB ou un amour éconduit. Son admiration est alors indéniable pour cet anarchiste qui ne manque pas d' énergie et d'arrivisme. Grâce au succès d’un roman pornographique, Limonov sort de son milieu défavorisé, devient « roi de la bohême moscovite » à New-York. Mais bien vite il se lasse des Trotskistes américains qu’il traite de « mollusques » et s’engage comme soldat au côté des Serbes lors des guerres de Yougoslavie. Les voix de Carrère et Limonov ne font plus qu’une : « La guerre est sale, c’est vrai ….Mais le neutre est un pleutre….. ». Jusqu’au jour où Limonov découvre dans les Balkans la grandeur morale des minorités. Il fonde alors le parti national-bolchevik, galvanise la jeunesse, et se retrouve prisonnier politique. Mais son altruisme et ses talents d’écrivain effacent sa réputation de terroriste. Fiction ou réalité, peu importe : Carrère lui apporte la postérité dont il rêvait et fait en même temps la sienne.
Brigitte Clavel
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2011
14 octobre 2011
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Editions : Gallimard
Parution : Juin 2011
267 pages
17,90 €
L’auteur de ce journal intime est un globe-trotteur reconnu. Parisien amoureux des grands espaces naturels, Sylvain Tesson décide de se retirer pendant six mois au bord du lac Baïkal dans une cabane totalement isolée. Il ne souffre point du syndrome de la tour d’ivoire, mais veut réconcilier la civilisation et la nature, le ciel et la terre. Le fil de ses pensées est semblable aux veinures de la glace et sa sensibilité poétique aussi profonde que les tempêtes de Sibérie. Qu’il marche dans la taïga ou se réchauffe à la vodka et à la lecture, Sylvain Tesson, stimulé par l’instinct de survie, fait preuve de courage et de lucidité. Loin du monde civilisé, il le comprend mieux, mais ne le regrette pas. Seule la grandeur des éléments naturels et la petitesse de gestes rituels du quotidien lui apportent la paix. Si la vie paraît terne, il suffit de la colorer en changeant d’horizon. Eloge du temps maîtrisé et du silence, encouragement aux bonheurs simples, ce livre a tous les atouts pour faire aimer l’existence aux « grands enfants déçus de la société de consommation », qui, selon lui, ignorent les souffrances de «la société de la pénurie »…
Brigitte Clavel
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2011
11 octobre 2011
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Editions : Stock
Parution : Septembre 2011
151 pages
17 €
Comme dans « Un cœur intelligent »paru l’année dernière, Alain Finkielkraut propose à ses lecteurs quatre romans où chacun des personnages amoureux universalise à sa façon le thème de l’amour impossible. Ni moraliste ni idéaliste, mais philosophe et sexagénaire de notre siècle où « l’enfant de bohème est devenu roi », il s’insurge de voir « la princesse de Clèves » considéré aujourd’hui comme un ouvrage arriéré alors qu’il est empli de vérités psychologiques éternelles. Mais les us et coutumes ont changé avec la révolution sexuelle et « le conformisme bourgeois » a laissé place au « conformisme pulsionnel ». Ainsi « Le professeur de désir » de Roth reconnaît les conséquences catastrophiques des amours dissolus qui finissent par l’empêcher d’aimer Claire, symbole de pureté. La cause du désamour n’est pas dans l’autre, mais dans le moi. Rien de plus dangereux que l’amoureux de l’amour qui ne voit plus le destinataire, mais n’aime que lui-même. Bergman aussi dénonce la sincérité des sentiments spontanés et lui préfère « le mensonge miséricordieux».De même pour les plus beaux personnages kunderiens, la condition mortelle, avec toute la fragilité humaine qu’elle implique, incite plus à l’amour qu’une exaltation momentanée. Tamina, dans « Livre du rire et de l’oubli »,comme la princesse de Clèves , aurait eu plus de facilité à tromper son mari vivant que mort. C’est la délicatesse de Tereza qui fascine Thomas, héros de « L’Insoutenable Légèreté de l’être ». La compassion qu’il ressent pour elle le rend responsable d’elle. La mort serait-elle alors le ciment de l’amour ? Et si l’amour durait au-delà de la mort, son éternité ne serait-elle pas sa caractéristique première? C’est ainsi que Alain Finkielkraut réhabilite le mythe antique de l’amour indissociable de la mort et concilie philosophie et littérature.
Brigitte Clavel
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2011
7 octobre 2011
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Editions : Actes Sud
Parution : Mars 2011
110 pages
15 €
Quête de la couleur du temps, « Celui qui passe et non celui qu’il fait », amour pour une mère toujours sur le départ et pourtant omniprésente, perçue en rouge éclatant alors qu’elle se trouve dans la blancheur de la mort, porteuse de paix et de tendresse en même temps que d’« une montagne de douleur » et « une ivresse de bonheur »: un livre plein de contradictions, d’amour et de désappointement. Malgré « un passé qui a souffert de déconstruction, de scissions, de schismes et de cloisonnements », point de rancœur de la part de l’auteur. Il s’agit seulement d’un chant dédié à une Phèdre abandonnée au « fatum », à une terre inconnue qu’on rêve d’embrasser. Etre de mystère, lumière en perpétuel mouvement, Tina Jolas est la muse d’André du Bouchet et de René Char ; mensonge innocent, « fougère souple », elle est aussi l’inspiratrice de sa fille, Paule du Bouchet, qui, après beaucoup de souffrance, lui consacre ce très joli ouvrage salvateur.
Brigitte Clavel
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2011
5 octobre 2011
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Prix Renaudot Essai 2010
Editions : Folio
215 pages
Cet ouvrage, réalisé à partir de documents archivés, mis aux enchères à l’hôtel Drouot en 2005, est un hommage rendu à l’esclave Furcy et à tous ceux qui ont défendu sa cause. Il est aussi un témoignage précieux, autant sur le plan humain qu’historique. « L’affaire de l’esclave Furcy » se passe en 1817 à l’île Bourbon (la Réunion), quand Furcy, à l’âge de 31 ans découvre qu’il est le fils d’une Indienne libre et réclame sa liberté. C’est de façon très nuancée que M.Aïssaoui nous dresse les portraits des détracteurs et des défenseurs de Furcy. Avec habileté il parvient à montrer que c’est l’instinct du pouvoir et le plaisir de s’arroger tous les droits et les richesses qui sont à l’origine de l’esclavage, plus que le racisme. Tel est le portait du commissaire général ordonnateur de l’île, Desbassayns de Richemont : il brisera la carrière du procureur général Gilbert Boucher et imposera à Furcy, après son emprisonnement, dix-huit ans de travaux forcés loin des siens, avant que la vérité éclate au grand jour. Livre qui remporta le Prix Renaudot de l’essai 2010 et mérite de ne pas être oublié.
Brigitte Clavel
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2010