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28 mars 2020 6 28 /03 /mars /2020 14:20
"L'échelle de Jacob" par Ludmila Oulitskaïa

« L’échelle de Jacob » par Ludmila Oulitskaïa

 

Editions : Folio

Parution : 2015

806 pages

12 €

 

 Un roman russe comme on les aime, où les sentiments sont mystérieusement liés à la terre qui les a engendrés, aux êtres qui les entourent, aux évènements familiaux et politiques auxquels nul ne peut échapper.   Et si les tourments sont enfouis au fond des cœurs, un jour ils resurgissent, comme ceux de Jacob dans ses lettres d’amour ou ceux d'Heinrich le renégat mourant dans les bras de sa fille Nora. Celle-ci est une jeune femme de la révolution sexuelle. Si le sexe remplace l’amour, pourquoi alors s’embarrasser d’un simple géniteur, d’un Juif indifférent à tout sauf au Centre d’informatique d’où il se fera expulser sous prétexte de ne pas servir le Parti? Certes Nora  aime son fils Yourik, mais  plus encore sa vie de bohème avec Tenguiez , le Géorgien.  Maroussia sa grand-mère n’était–elle pas la même ? Artiste dans l’âme,  n’avait-elle pas dit à son bienaimé Jakob, grand économiste libéral autant que musicien talentueux,  que jamais elle n’abandonnerait ses convictions révolutionnaires? Elle ignorait qu’en face d’elle, il y avait plus fort que l’immense culture de son fiancé : la politique du Parti qui  le mit en exil de 1911 à 1936 et l’éloigna d’elle à jamais.  Le passé ne disparaît pas et  la vérité finit par éclater. Nora découvre au fond d’une malle  les lettres d’amour de Jacob, dans les archives du KGB ses ouvrages philosophiques qui lui valurent le goulag, tandis que ses amis juifs  lui font découvrir la technologie avancée des Américains que déjà Jacob avait osé annoncer. Ainsi les ressemblances apparaissent, le temps résout les mystères, dénonce  les coupables de purges  politiques, innocente les êtres aimés qui voulurent oublier leur mal-être dans la drogue, la trahison ou l’amour éternel. Inutile de chercher le personnage principal : il  n’est ni Jacob, ni Noura, ni Maroussia ni Vitia…  Ils  ont tous leur importance et leur raison d’être.  C’est l’essence humaine que dépeint Ludmila Oulitskaïa  avec tout ce qu’elle comporte  de grandeur et bassesse, de vérité et d’erreurs, et que l’on ne  commence à comprendre que lorsque la vie s’achève…

Brigitte Clavel Delsol

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21 mars 2020 6 21 /03 /mars /2020 19:32
"PARTIS PRIS  Littérature, esthétique, politique" par Marc FUMAROLI

« PARTIS PRIS  Littérature, esthétique, politique » par Marc FUMAROLI

 

Editions : Robert Laffont

Parution : Décembre 2018

1037 pages

32 €

Cette anthologie de la littérature est pleine de promesses : la culture de Marc  Fumaroli  est imparable et laisse entrevoir la pérennité de la créativité depuis l’Antiquité.  Que ce soit Ovide qui sut faire la synthèse des légendes sacrées ou Pétrarque qui évoque « l’usage de soi » dans « l’ère du vide »,  le fondement  de la langue  est là  et ne cesse de croître jusqu’à faire « l’Eloge de la Folie » et annoncer les extravagances de Rabelais. De même les fables animalières  d’Esope reprises par La Fontaine courent sur de bien nombreux bas-reliefs  d’églises et de châteaux de France. Ainsi la vie rustique demeure source de la culture gréco-latine, en attendant que la politique moderne fasse peu à peu son entrée dans la littérature et dévoile  la fresque de la « vanité des vanités ». M. Fumaroli révèle alors cette misère humaine chère à Pascal, heureusement relevée par la grandeur d’âme des personnages cornéliens et raciniens. C’est cette quête de la sagesse qui mène aux fables apologues de La Fontaine qui, comme  Socrate sous le voile des mythes, dit la vérité sous forme allégorique. C’est le rire du grec Démocrite qui se  retrouve dans l’optimisme de Voltaire, comme la tristesse d’Héraclite dans le  pessimisme de  Rousseau. Mais c’est l’extrême sensibilité de Goethe qui annonce le déclin, c’est Werther qui préfère la mort à la vie, c’est le libéralisme romantique de Stendhal et l’homme à l’état naturel de Rousseau qui annoncent une désacralisation de  la littérature, le retour au sauvage, le triomphe de la barbarie.  La nature humaine  dans sa comédie est mise à nu par Balzac qui prophétise le suicide de l’Art avec son démon de peintre  Frenhofer  qui veut se substituer à Dieu, tandis que  la commedia dell’arte est le théâtre d’Avignon d’aujourd’hui … Le voyage dans le temps de Marc Fumaroli est labyrinthique, mais son chemin rejoint celui de Jacqueline de Romilly, souffrante du marasme intellectuel et du flot montant de l’ignorance littéraire au profit du savoir scientifique. Il s’achemine vers des institutions qu’il souhaite nombreuses et variées et non pas régentées par un centralisme démocratique, jaloux et idéologique. Car le malaise est  grand, le « spirituel dans l’art » invoqué par Kandinsky en 1910 n’inspire plus... Ce que recherche nos contemporains, ce n’est pas la beauté pure mais le reflet  de fantasmes que toute communauté porte en elle. Et Marc Fumaroli de conclure que  l’opéra Garnier, symbole d’un passé élitiste est le bouc émissaire à sacrifier : l’opéra Bastille est une réussite républicaine mais pas artistique !

B. Clavel Delsol

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15 mars 2020 7 15 /03 /mars /2020 19:51
« D »  par Robert HARRIS

« D »  par Robert HARRIS

 

 

Editions : Plon

Parution : 2014

483 pages

22 €

 

 

Les cinéphiles qui n’ont pas vu le film « J’accuse »   seront heureux de se plonger dans cet ouvrage  que Roman Polanski lui-même a encouragé l’auteur à écrire. En effet  Robert Harris ayant déjà beaucoup écrit sur Dreyfus, c’est à Georges Picquart qu’il rend hommage, jeune colonel qui fit  éclater la malheureuse erreur judiciaire subie par Alfred Dreyfus et qui réussit à le réintégrer dans l’Armée. Tout en se mettant dans la peau de Georges Picquart , Robert Harris reprend dans ses moindres détails  la longue  et patiente enquête de celui-ci  dont  la probité scrupuleuse révéla , à ses risques et périls,   la collaboration avec un espion allemand sur le sol de France, les vices et les arrogances mensongères de certains membres de l'Armée, uniquement intéressés par leur avancement dans la hiérarchie militaire. Dreyfus n’apparaissant qu’à travers de brefs interrogatoires et des échanges épistoliers désespérés,  ce que le lecteur retiendra  est cette somme documentaire de preuves qui fait de  Picquart un héros de la vérité et de ce livre un travail d’historien. Il révèle une France coupée en deux, l’une antisémite et l’autre empreinte de justice, l’une voulant sauver la raison d’Etat par n’importe quel moyen et l’autre  l'honneur de l’Armée française  par la loyauté seule.

B.C.D.

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5 mars 2020 4 05 /03 /mars /2020 17:40
« La Fantasia » par Loris Chavanette

 

 

« La Fantasia » par Loris Chavanette

 

 

Editions : Albin Michel

Parution : Janvier 2020

284 pages

19,90 €

 

Ce roman saura toucher la  génération  qui n’a pas connu l’Algérie des années 50. Loris Chavanette, à l’instar de Camus, décrit avec talent la beauté de ce pays dans ses moindres recoins de paysages et de cœurs humains. Malgré son grand âge et son retour forcé en France, la pensée de  la vieille Mariane est restée au-delà de la Méditerranée, et c’est ce qu’elle veut partager avec son petit-fils qui n’a pas connu la vie de ses ancêtres pieds-noirs. Le jeune Antoine découvre alors  les heures les plus significatives de la vie de sa grand-mère, dont, entre autres,  cette magnifique  Fantasia qui résume la grandeur mauresque ou sa nuit à Tlemcen qui suivit la procession de Notre-Dame de Santa Cruz.  Malgré la lucidité politique de Pierre , journaliste parisien qui fait pressentir une rébellion inévitable, et grâce à la sensibilité de Mariane héritée d’une ascendance noble de coeur,  l’auteur  parvient à faire revivre bien plus les amitiés indéfectibles que les inévitables humiliations humaines,  remémorant des similitudes de mœurs et de rites qui sauront rapprocher les cœurs délicats. Les couleurs chatoyantes de cette  terre magnifique contrastent avec le teint diaphane d’une vieille femme en fin de vie, trop lucide sur la nature humaine pour ne pas dévoiler, avant de mourir, son secret et ses espérances.  Comme le dit Loris Chavanette  lui-même, « Oui !ce livre valait la peine d’être vécu» : une fresque d’ombre et de lumière, une vie pleine de fierté et chagrin, de sensualité et pudeur, imprégnée de l’écho du muezzin et du parfum des fleurs d’oranger, malheureusement blessée par des  séparations fatales et des départs sans  retour ! Et si ce magnifique roman n’était qu’une allégorie de l’histoire d’amour  de la France pour l’Algérie? Au lecteur de le dire , mais en tout cas il en sortira aussi  fortifié que le jeune Antoine.

B.Clavel Delsol

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2 mars 2020 1 02 /03 /mars /2020 18:36
Frédéric Beigbeder

FREDERIC BEIGBEDER

Editions : Grasset

Janvier 2020

317 pages

20,90 €

 

 

Une fois ce livre acheté  le lecteur se sent  victime de la tyrannie des médias.  A quoi bon  un roman sans titre, simplement annoncé par un smiley narquois qui déverse  un flot de paroles d’un  somnambule  qui n’est autre qu’Octave Parango, « l’humoriste le plus écouté de France » sur l’émission Matinale la plus populaire ?  Animateur d'une radio publique, ce Parisien,  obsédé par la drogue et le sexe, par sa jeunesse dorée et la mort de ses utopies, ne sait plus  s’il est espion  ou victime de son temps. Certes son égocentrisme  sans limite a toujours nui à son bonheur. Mais, à la veille de sa matinale radiodiffusée, il ne veut plus jouer ce rôle de diversion. Car l’humoriste professionnel ne réussit que s’il parvient non seulement à ridiculiser mais à détruire sans pitié. Or cette nuit  l’empathie d’ Octave Parango  prend la relève.  Dommage que son passé plein d’amères expériences et profondes déceptions  envahisse sa tête nébuleuse d’un vocabulaire tout scatologique et d’images pornographique ! Sera-t-il assez fort pour  donner sa démission ? Peut-être peut-on  voir  dans cet anti-héros l’appel au secours d’un homme déçu par le matérialisme roi et d’une prise de conscience du rôle de l’écrivain qui se doit de montrer « une vision liturgique du monde»! Rien d’impossible puisqu’Octave Parango n’est autre que Frédéric Beigbeder qui a fui Paris et n’a pas dit son dernier mot …

B. Clavel Delsol

 

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23 février 2020 7 23 /02 /février /2020 17:00
"Un moine en otage" par J. MOURAD avec A. GUILLEM

« Un moine en otage »  par Jacques Mourad avec A. Guillem

 

 

Editions Emmanuel

Parution :  2018

17,90 €

213 pages

 

 

L’œuvre d’Orient a décerné son prix littéraire 2019 à un ouvrage sans pareil : un témoignage bouleversant du père syro-catholique  Jacques Mourad retranscrit  en direct par Amaury Guillem, directeur RCF Aix-Marseille, auteur de plusieurs ouvrages profondément marqués par sa foi en Dieu et dans les hommes. Si le récit du père Mourad  alterne entre les souvenirs heureux lors de la reconstruction des monastères de May Moussa et de Mar Elian et un douloureux enlèvement par les djihadistes où il subit  une torture autant physique que psychologique, l’importance de ce livre réside dans le renfort et le salut  que peuvent apporter la solidarité entre croyants de diverses confessions. Car comment réagir devant des fanatiques qui accusent d’œuvre du diable  l’école de musique fondée par le père Mourad, détruisent ses deux  monastères  et  prônent le massacre des mécréants ? Il est connu que Dieu ne fait des miracles qu’avec la participation des hommes. Et c’est ce que démontre le livre. En effet  grâce à l'aide de jeunes musulmans qui le paieront de leur vie et à la constance de ses prières, le père Mourad, après cinq mois de dure captivité,  retrouve miraculeusement la liberté. Puissent  les pays chrétiens  apporter la compréhension et l’amour du prochain quel qu’il soit! tel est le souhait de ces deux co-auteurs qui s’en  réfèrent au Dieu unique et remplacent les différends  dogmatiques  par une  sagesse  toute spirituelle. Le livre s’achève par une supplication du père Mourad au retour à la prière, seul moyen de pallier à l’urgence du dialogue et de l’évangélisation et de chasser la peur de ceux qui font régner la terreur. Conseil  à divulguer!

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9 février 2020 7 09 /02 /février /2020 08:26
« Tu seras un homme, mon fils » par Pierre Assouline

« Tu seras un homme, mon fils » par Pierre ASSOULINE

 

 

Editions : Gallimard

Parution : Décembre 2019

283 pages

20 €

 

 

P. Assouline nous offre deux  histoires en une,  la  biographie  documentée et  réaliste  de  Rudyard Kipling qu’il rend vivante grâce au narrateur, Louis Lambert,  dont la probité intellectuelle fait penser à celle de  l’auteur mais  qui  a la chance de rencontrer  le grand romancier de l’Empire. Rudyard Kipling  a tout de l’aristocrate britannique, maître de lui et de ses  convictions colonialistes. Fin politicien, il pressent le bellicisme allemand et, bien que révolté par les  indépendantistes irlandais, il n’hésite pas à faire enrôler son fils John, refusé en 1914 par la Royal Navy, au 2ème bataillon des Irish Guards. Le style de P. Assouline reflète  les sentiments  de ce célèbre écrivain que l’on voit évoluer avec le tragique des évènements. Le devoir de père de soldat va s’étendre bien au-delà du « privilège du feu », de la solidarité et du  service rendu à la nation. Le lyrisme de l’auteur s’accentue au fur et à mesure que la guerre avance. Car la responsabilité de ce départ est dure à endosser quand on découvre que  la terre n'est plus qu’un ossuaire. L’autre histoire est celle du lieutenant Louis Lambert raillé par ses collègues  du lycée à cause de ses deux obsessions, Mallarmé son professeur d’anglais et  Rudyard Kipling  dont il cherche à parfaire la traduction de « if… ». Là encore l’auteur révèle les liens indéfectibles qui unissent  un père et un fils, fussent-ils spirituels, même quand les tempéraments et les convictions  contraires  les éloignent à jamais. Un livre sur l’amour paternel, où  le souci de ses obligations et la pudeur se confondent et qui font de  ces lignes une belle œuvre littéraire.

B. Clavel Delsol

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4 février 2020 2 04 /02 /février /2020 19:38
"Dieu, le temps, les hommes et les anges" par Olga Tokarczuk

« Dieu, le temps, les hommes et les anges »      par Olga TOKARCZUK

 

 


Editions : Robert Laffont - Pavillons Poche

Parution : Mars 2019

Publication originale: 1996

391 pages

9,50 €

 

                                  

Olga Tokarczuk surprend le lecteur autant  par son originalité d’écriture que par l’authenticité de sa perception du monde. Son livre est semblable au jeu de labyrinthe qui offre une multitude de chemins pour avancer dans la compréhension de l’existence. Véritable boîte de Pandore, il aborde tous les sujets dans un style éthéré sans frontière entre le rêve, l’imagination et la réalité. L’existence énigmatique de Dieu  à cause de son silence et son  invisibilité  est remplacée par une nature où grouillent plantes et bêtes vivantes, sorcières ou saintes femmes, rêveurs ou idéologues dangereux jusqu’à vouloir réformer  la nature humaine et l’essence divine. Le village d’Antan où se déroule cette saga  est au cœur de la Pologne comme de l’univers. Tour à tour envahi par les nazis et les Russes, il est cerné d’une frontière derrière laquelle tout semble avoir disparu. Il est recouvert d‘un ciel de plomb, repose sur un sol où la propriété est interdite, où la mort se décompose en un mycelium envahissant, où l’homme vit dans l‘angoisse de l’éphémère. La candeur d’Isidor, la capacité d’amour de Geneviève, l’énergie de Paul Divin à aseptiser l’environnement ou à faire régner un égalitarisme uniforme ne suffiront pas à combler le  vide ou la concupiscence. Tout se décompose sous les idéologies monstrueuses. Les instincts bas et vils vont jusqu’à hanter l’âme des morts tandis que  la capacité d’aimer peut transformer une sorcière en bienfaitrice. Et si le paysage s’étend du  fin fond de la terre  jusqu’au ciel,  l’auteur  y parvient grâce à des errances qui lui permettent de discerner  les inévitables souffrances humaines dans les rides d’une lune qui pleure. Une fois le livre fini, le moulin à café, simple butin de guerre, continue comme l’univers à tourner inlassablement, imbibé des multiples sentiments  de ses usagers, parfois grinçant parfois chantant, tout à fait semblable au style métaphorique d’Olga Tokarczuck. Livre envoûtant  où  la raison humaine dans toute sa fragilité essaie d‘endiguer la folie du monde. Livre néanmoins plein d’espoir pour celui qui sait voir la beauté derrière la frontière interdite et la fécondité du mycelium plus puissant que la mort. 

B. Clavel Delsol

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26 janvier 2020 7 26 /01 /janvier /2020 10:57
"La France et l'Islam au fil de l'histoire" par Gerbert Rambaud

« La France et l’Islam au fil de l’Histoire » par Gerbert RAMBAUD

 

 

Editions du Rocher

Parution : Octobre 2017

306 pages

 21,90 €

Gerbert Rambaud, historien et juriste lyonnais, parvient en un livre à récapituler quinze siècles de relations entre les terres de France et l’Islam. Par une très belle fresque historique il  révèle maints détails d’amitié et de trahison, d’intérêts personnels ou nationaux, de conquêtes spirituelles ou territoriales qui se  répètent inlassablement. Tout commence  au VIIIème siècle  avec la victoire inattendue en Espagne sur les Wisigoths,  réputés invincibles, des armées Omeyades qui poursuivront jusqu’à Poitiers.  Quelques siècles plus tard, tandis que  le christianisme se veut ferment d’unité de l’actuelle Syrie jusqu’aux Pyrénées, la tribu turque des Seldjiukides harcèle l’ancien empire romain, officialise le Coran, convertit de force, multiplie les razzia. Gerbert Rambaud révèle les liens qui dans notre Moyen-Age tissent les évènements. Le rapt  du supérieur Maïeul  de Cluny peut expliquer la volonté d’un autre Clunisien, le  pape Urbain II, de prêcher la croisade. Un véritable labyrinthe des cœurs humains conduit le lecteur à découvrir maintes contradictions. Les trahisons sont dans les deux camps quand il s’agit d’intérêts personnels et la mort de Roland à Roncevaux en restera à jamais  le symbole. La Renaissance a peur du Turc. Néanmoins un processus de négociations diplomatiques a  lieu et annonce l’alliance à venir entre François Ier et Soliman le Magnifique, même si celle-ci n’est qu’un moyen de se protéger de la politique de Charles Quint. Cette tactique se retrouve avec le cardinal de Richelieu, aussi intransigeant avec les protestants de France qu’œcuménique avec les musulmans chassés d’Espagne. Garante du monde chrétien ou alliée de la Sublime Porte, la France hésitera toujours. Le pragmatisme de  Bonaparte ou l’extermination des pirates du port d’Alger aurait pu  convaincre les Musulmans d’une entente avec la France, à défaut de laquelle eut lieu une colonisation.  Livre clair et objectif à mettre impérativement dans les mains des lycéens…

 B. Clavel Delsol

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23 janvier 2020 4 23 /01 /janvier /2020 19:01
"Le baron perché" par Italo CALVINO

                                                                     « Le baron perché » par Italo Calvino

1ère publication : 1957

Editions : Seuil

321 pages

 

 

« Le baron perché » est un  personnage fantasque inoubliable  autant par son originalité que par son souci de liberté et sa quête de vérité. A la fois  parabole politique et autoportrait, ce roman philosophique  transporte le lecteur en haut des arbres de la forêt d’Ombreuse en Italie du Nord, au siècle des Lumières, lors des campagnes de Napoléon.  C’est là que se réfugie le jeune  Côme Laverse du Rondeau, au cœur d’un mûrier, révolté contre une aristocratie trop refermée sur elle-même,  où l’autoritarisme d’un père et le rigorisme d’une mère sont cause de sa révolte intérieure comme de l’obscurantisme insupportable de sa soeur « à moitié nonne ». Côme s’installe  entre ciel et terre, jure de ne plus jamais poser un pied sur le sol de son enfance, et saute désormais de branches en branches, de vergers en forêts,  pour  découvrir le monde sous toutes ses faces. L’extase devant la beauté de la nature se transforme peu à peu en un  intérêt toujours accru pour une plus ample connaissance livresque, une croyance en le progrès, et un désir infini de se rendre utile. Les occasions de venir en aide  ne lui manquent pas et c’est avec  franchise qu’il prend parti dans tous les débats qui agitent son époque. Côme a besoin des cimes  des arbres  comme Italo  Calvino de l’usage de l’humour  et de la poésie afin d’estomper  le tragique de l’existence, l’impossibilité de l’amour parfait,  la misère des uns et la prétention dévastatrice des autres. Roman intemporel et enchanteur  accessible  de 9 à 99 ans…

B. Clavel Delsol

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