1 septembre 2018
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« Un automne à Kyôto » par Corinne ATLAN
Editions : Albin Michel
Parution : Septembre 2018
295 pages
18 €
C’est avec une grande sensibilité poétique que l’auteure dépeint Kyôto, avec ses temples bouddhistes recouverts de mousse et ses dédales de ruelles à la fois animées et énigmatique. La culture japonaise l’invite à saisir sur le vif la réalité, non par des concepts intellectuels mais par une émotivité réceptive. Ainsi elle adhère à cette esthétique qui insiste à saisir le fugitif et à l’intégrer au permanent. Peu importe si c’est le sacré qui se revivifie au contact du profane ou si c’est l’inverse, mais à la lecture de ce livre la vanité humaine est balayée par une humilité sans bornes où les rites, loin d’être ridiculisés comme en Occident, reflètent un sentiment d’universalité. Car l’impermanence de « l’in-stant » est quelque chose d’erroné, l’étymologie de ce mot « ce qui se tient ici » ne pouvant ignorer l’importance de l’enracinement, des souvenirs et de l’éternel retour. Livre magnifique où Kannon, la déesse de la compassion, console de la friabilité universelle, y compris celle des statues de Bouddha et des maisons proprettes qui laissent place aux promoteurs immobiliers . Bienvenue à Kyôto tant qu'il est encore temps...… B.C.D.
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29 août 2018
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« Les crayons de couleur » par Jean-Gabriel CAUSSE
Editions : J’ai lu
311 pages
7,20 €
Où veut en venir l’auteur avec la disparition des couleurs sur notre planète qui devient toute grise ? Le monde panique et perd espoir. Sauf Charlotte, une spécialiste en neurosciences, qui a toujours su chanter les couleurs malgré sa cécité. Alors le jour où tout le monde panique, elle prête non seulement sa voix à une émission de radio mais toute sa sensibilité poétique qui fait la beauté de l’ouvrage. Car le livre de J-G se veut des plus prosaïques, Arthur, son héros, fait peine. Alcoolique, chômeur, il trouve du travail juste quand l’usine de crayons de couleur qui l’embauche doit fermer. Mais quand on a la présence d’esprit de faire des réserves de bonheur, on peut redonner au monde sa couleur. Livre qui montre combien l’uniformité de l’existence et la fadeur du conformisme peuvent ternir la nature humaine jusqu’au fin fond de l’âme. Seule l’imagination créatrice est salvatrice et communicative pour ne pas dire contagieuse ! Seules les couleurs dynamisent l’humanité, mais pourront-elles revenir ? Alors le lecteur au lieu de s’enfoncer dans le noir retrouve son énergie à poursuivre ce livre au fur et à mesure qu’il voit apparaître la moindre lueur de couleur… B.C.D.
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2018
20 août 2018
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« Fief » par David LOPEZ
Editions : Seuil
Parution : Août 2017
252 pages
17,50 €
Ce livre a été qualifié de « poésie de l’existence ». Il mériterait plutôt celui de « poésie du désespoir ». Ce qui est certain c’est qu’il n’est pas à mettre entre toutes les mains, pas dans celles des amateurs de littérature académique et encore moins dans celles de jeunes sans références. Le Fief n’est autre que la propriété de ceux qui ne possèdent rien, sauf l’alcool, la drogue, la violence de la boxe ou du sexe. Le fief c’est aussi le domaine du langage inventé, que les non-initiés ne peuvent comprendre, qui exclut certains mais rapproche d’autres, toujours les mêmes, les révoltés, les désespérés, les blessés, les inconsolables. S’ils entendent parler d’un bonheur possible ils n’y croient pas et s’en moquent. Pas une once de haine en eux, juste un besoin d’avoir le sentiment d’exister, pas une once d’espoir si ce n’est de récolter des bleus, des poumons encrassés des neurones endommagés et de « tomber dans le trou qu’on a nous-mêmes creusé » reconnaît Jonas. Celui-ci trouvera-t-il la capacité de réagir pour un monde meilleur ? Mais l’heure du combat sur le ring sonne et sans la bonté de monsieur Pierrot son initiateur de boxe et son vieux père tout aussi drogué que lui venu l’encourager, il n’y a personne pour interpréter cette rage au combat qui fait l’excitation des spectateurs mais la tristesse du lecteur et la destruction d’une jeunesse qui aurait pu être heureuse. B.C.D.
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11 août 2018
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« La vérité sur la comtesse Berdaiev » par Jean-Marie Rouart
Editions : Gallimard
Parution : Mai 2018
203 pages
17,50 €
Et si l’admiration sans bornes de J-M Rouart pour la comtesse Maria Berdaiev n’était autre qu’un réconfort justifié pour l’auteur face à ces politiciens français des années 50 bien décevants. La IVème république se meurt, la Libération d’après-guerre a divisé la nation, l’Algérie française est source d’embarras, l’accueil des Russes blancs est bien aléatoire quand on voit le déclassement social qu’ils subissent sans parler de la lâcheté des Français pour éluder les crimes soviétiques des exilés sur la terre d’accueil. Seul compte le carriérisme personnel en politique. L’intrigue de ce roman est une histoire inspirée par le politicien Le Troquer lui-même, à l’époque président de l’Assemblée nationale qui briguait le poste de Président de la République. J-M Rouart le nomme Marchandeau. Comme tous ses compères il est éperdument amoureux de cette comtesse dont il est l’amant, mais peut-être par défaut. Car celle-ci est pleine de nostalgie incurable et si son éducation est exemplaire sa tristesse l’emporte dans des amours et amitiés désespérés que Marchandeau pense soulager par des soirées pornographiques. Heureusement le très beau style littéraire de J-M Rouart reflète à merveille la tristesse engendrée par cette déchéance apparente qui cache un raffinement du cœur semblable à la beauté physique de Maria Berdaiev. Et si celle-ci sombre dans l’incompréhension de ce qui lui arrive, d’autres y voient au contraire le salut de leur carrière, qu’ils soient dans la justice ou dans le gouvernement. Livre magnifique qui a pour seul défaut de brasser des histoires qui mériteraient d’être oubliées et qui malheureusement perdurent.
B.C.D.
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8 août 2018
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« Couleurs de l’incendie » par Pierre Lemaitre
Editions : Albin Michel
Parution : Janvier 2018
535 pages
22,90 €
C’est un véritable tour de force que réussit Pierre Lemaitre. Si le contexte est celui des années 30, une similitude avec notre époque est irréfutable. A l’ironie discrète de l’auteur sur notre temps s’ajoute sa vision pessimiste sur la nature humaine où les ambitions inassouvies des hommes laissent poindre une nouvelle génération sans repères. Alors, à partir de là, tout est permis à Madeleine Pericourt, unique héritière légitime de l’empire financier du même nom, pour se venger de la corruption de ceux qui ont mené l’entreprise familiale à la faillite. Mais la vengeance n’est pas la seule responsable des drames qui vont suivre, car le destin s’en mêle et les conséquences sont tragiques. Pourquoi le petit Paul se défenestre le jour de l’enterrement de son grand-père Marcel Pericourt ? Et, si Charles Pericourt, frère de Marcel, embrasse une carrière politique, n’est ce pas à défaut de réussir dans les affaires plus que pour ses capacités sur les moyens d’enrayer la dette nationale ? Et que penser du brillant revirement professionnel de Gustave Joubert, le fondé de pouvoir de la banque Pericourt qui grâce à ses placement boursiers passe subitement du monde de la finance à celui de l’industrie ? Les personnages sont nombreux, tous aussi fourbes les uns que les autres. L’exploitation est partout, un patron expérimenté paie le moins possible ses employés ! Non seulement la confidente n’est pas digne de confiance, mais même le journaliste sans solde qui rêve de gloire littéraire est un infâme pervers et un chroniqueur vénal déguisé en poète. Et si Madeleine leur fait payer cher leurs perversités, celle-ci trouvera-t-elle un peu d’apaisement ? En tout cas, tandis que les hommes couvent l’incendie, une nouvelle génération de femmes réagit, comme la nurse polonaise qui ne se cache pas pour aimer ou la cantatrice qui provoque Hitler en plein opéra. Ainsi Pierre Lemaitre parvient à entremêler faits historiques et contemporains, enquête policière et analyse psychologique, le tout dans un style des plus vivants. Livre qui, en surfant entre cynisme et conformisme ambiant, a toutes les raisons de remporter un grand succès! B.C.D.
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3 août 2018
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« La musique des illusions » par Jean-Marc MOURA
Editions : Albin Michel
Parution : Avril 2014
377 pages
14,99 €
Ce titre de roman résume à lui seul la poésie qui accompagne la philosophie de J-M MOURA.
Dans la Vallée de la Solitude au cœur de la Picardie naît Franceska d’une alliance qu’il vaut mieux étouffer. Si l’enfant n’est désirée de personne, ses dons une fois révélés la feront désirée de tous, sauf de ceux à qui elle porte ombrage. Car Franceska est douée de talents presque sorciers : elle sait percevoir des sons imperceptibles, les reproduire avec une voix envoûtante jusqu’à donner la mort à qui la mérite. Histoire onirique qui rappelle les premiers romans de Sylvie Germain. L’atmosphère troublante, imputable à l’animisme des uns, au scientisme d’autres, et à la perversité des représentants de l'Eglise, rend le lecteur curieux de l’avenir de Franceska. Car comme l’écriture de J-M. Moura celle-ci échappe aux protocoles, consciente que le plus beau chant après ceux de la naissance et de la mort est celui de « l’espérance ultime », ce désir de continuer sans que la mort mette main basse sur les illusions. Le style de l’auteur ressemble à la voix de son héroïne, il collectionne de superbes descriptions comme elle rapporte des sons inconnus. Ainsi l’ésotérisme apparaît immanent à la nature humaine, tant « la résonnance intime » reste réfractaire à tout, même au gramophone inventé par celui qui aime Franceska…Livre plein de poésie au milieu d’une atmosphère très XIXème siècle. B.C.D.
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30 juillet 2018
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« Camarade Anna » par Irina BOGATYREVA
Editions : Albin Michel
Parution : Mars 2018
274 pages
22 €
Reconstitution de la révolution marxiste par une troupe de jeunes acteurs ou désir réel d’une nouvelle révolution, tel est le mystère qui entoure Anna jeune moscovite adulée par Valia étudiant provincial. Une histoire d’amour douloureuse entre une idéologie révolutionnaire et un désir de vivre heureux dans un Moscou où "si on lui plaît l’argent ne tarde pas à tomber du ciel". Alors Valia poursuit ses études tout en travaillant la nuit pour combler Anna de petites intentions. Celle-ci saura-t-elle découvrir que l’amour n’a rien à voir avec « l’esprit petit-bourgeois qu’elle exècre » ? Et si ce dilemme était celui de la jeunesse d’aujourd’hui, lasse de trop de richesses et de faux-semblants, utopique jusqu’à détruire tout sentiment? Le mépris pour les valeurs traditionnelles comme pour les pusillanimes effrayés par une révolution transforme peu à peu le cercle de théâtre en un vivier de violence, avec pour seul prétexte « voir les gens meilleurs, plus forts, plus nobles.. ». C’est ainsi que naît le fanatisme. Heureusement dans ce roman quelques lueurs d’espoir sont présentes, qu’elles soient sous forme de sacrifices ou de légèretés peu importe, le tout dans un style propre à la jeunesse qui sait mêler humour et gravité.
B.C.D.
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28 juillet 2018
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« Le suspendu de Conakry » par Jean-Christophe Rufin
Editions : Flammarion
Parution : Mars 2018
309 pages
19,50 €
Jean-Christophe Rufin nous surprendra toujours. Avec son dernier livre il se lance dans un nouveau genre, un magnifique roman policier qui se lit d’un seul trait. Sans doute son rôle d’ambassadeur à Dakar l’a-t-il aidé dans la description de ce consulat de France en Guinée. Le style est fluide comme si l’auteur avait besoin de témoigner de la grandeur d’âme de certains qui vivent dans des placards et d’autres qui affichent leur suffisance ou camouflent leur pleutrerie. La description de la nature humaine, des indigènes guinéens comme des fonctionnaires du quai d’Orsay, du service des Douanes ou des membres du Club est d’une justesse pleine de réalisme non départie d’ironie. Le personnage principal est des plus attachants. Aurel Timescu, un exilé de la Roumanie de Ceausescu, est un artiste. Il n’a pour tâche que le décompte des visas et pour plaisir le titre de monsieur le consul quand il ne lui est pas attribué avec ironie ou dédain. Rien ne l’empêche de mener en solitaire une enquête car son intuition pleine d’humanisme ne lui fait pas accepter les idées toutes faites sur Jacques Mayères, un riche industriel savoyard en retraite, retrouvé assassiné sur son yacht dans la marina de Conakry. Le crime a une autre cause, celle que personne ne veut voir alors qu’elle gangrène le monde… Héroïsme et lâcheté, deux thèmes au coeur de la réalité qui inspirent J-C Rufin et font passer au lecteur un excellent moment.
B.C.D.
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2018
22 juillet 2018
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« Un fils obéissant » par Laurent SEKSIK
Editions : Flammarion
Parution : 22 Août 2018
249 pages
19 €
L’auteur n’hésite pas à reconnaître que son roman est un puzzle dont le lecteur s’efforce de rassembler les différentes pièces. Pourquoi en effet tant d’autorité paternelle face à un enfant sensible qui rêve d’écrire? Pourquoi ces confessions à des étrangères de passage qui se moquent d’un fils trop obéissant ? Pourquoi cette fabulation du grand-oncle Victor ? Et si ce livre n’était rien d’autre qu’une démarche du cœur qui essaie de comprendre les travers de la vie, de ressentir la loi du sang et deviner la devise de la famille seule capable d'aimer… Le sens du devoir poussé à l’extrême, les litanies sans fin, la confiance dans la providence aidée souvent d’un comique de situation ne combleraient-ils pas les rêves plus qu’ils n’entravent la liberté ? Car personne mieux que le père autoritaire ne saura encourager son fils au moment de l’échec. Personne mieux qu’un petit-neveu permettra à l’oncle Victor de croire à des heures de gloire. Et pour fêter la fin du deuil, seul le silence d’un écrivain prolixe saura adoucir la tristesse de tous. Autobiographie ou roman, peu importe, Laurent Seksik une fois encore traverse la littérature comme un magicien qui sait faire de la faiblesse la plus grande des forces intérieures…B.C.D.
Published by brigitte clavel-delsol
20 juillet 2018
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« En équilibre instable » par Vincent BARON
Parution : Juillet 2018
126 pages
25 €
Site internet:http://www.vincentbaron.com
Si les peintures de Vincent Baron exhalent la pâleur des lumières d’été comme la chaleur des bruns du soir ou de l’hiver, son livre leur ressemble étrangement. Vincent Baron n’est pas exclusivement un peintre ou un écrivain, ni un insulaire souffrant de solitude, ni un humoriste blessant ou un artiste « en équilibre instable ». Son livre révèle au contraire en plus d’un talent indéniable de poète, un penchant inconscient pour cette réflexion qui sait faire face à l’angoisse, sublime la laideur, transcende la mort et invite à vivre si ce n’est à renaître. Si ses derniers tableaux perdent leur douceur d’origine, ils gagnent en couleurs contrastées où les bruns et rouges sauvages bordent les bleus de l’océan qui rejoignent ceux du ciel. Et si les plages et les champs cèdent parfois leur place aux routes rectilignes, le néophyte découvre comme l’imagination et l’esprit de précision dans le dessin sont nécessaires à la contemplation du chemin de l’existence incompréhensible mais inévitable. Pédagogue, humoriste, créateur en tout genre, Vincent Baron sait voir les correspondances qui relient le monde d’en haut et celui d’ici bas, et trouver sur un rivage désert une riche leçon de vie...B.C.D.
Published by brigitte clavel-delsol