27 septembre 2024
5
27
/09
/septembre
/2024
19:11
PERRINE TRIPIER
« Les guerres précieuses »
« Conque »
Juin 2024
Editions Gallimard

Ces deux ouvrages dans leur diversité témoignent des talents de Perrine Tripier. Son premier roman « Les guerres précieuses » décèle une sensibilité toute réservée à cette « Maison » de famille pleine de souvenirs. Certes dictés par la mélancolie du temps qui passe, les détails du jardin, des moindres recoins de la bâtisse et des voix qui y résonnent encore, lui permettent de partager le bonheur que peut procurer une enfance insouciante au milieu d’une nature toujours renouvelée dont elle ne put jamais se détacher. Mais si Perrine Triper est éprise des fleurs exubérantes, elle n’est pas moins douée pour la description d’un chantier archéologique qui met à jour des découvertes insoupçonnées. Dans son tout dernier roman, « Conque », son style, précis et savant, est comme l’érosion qui polisse la pierre et comme l’archéologue qui finit par exhumer des vestiges. La poète métamorphose les conques en instruments de musique, l’historienne fouille le passé, admire ses grandeurs sans ignorer ses découvertes macabres. Etant au service d’un dictateur qui veut consolider la grandeur de sa nation, pourra-t-elle remplir son rôle de journaliste et garder sa liberté d’expression ? On est loin de la Maison utopique, mais plutôt dans une dystopie, un cauchemar où l’auteur semble mettre en garde le lecteur sur la grandeur apparente qui cache les plus grandes horreurs, et l’avertir ainsi des dangers d’un nationalisme exacerbé.
B. Clavel Delsol
Published by brigitte clavel-delsol
5 mai 2025
1
05
/05
/mai
/2025
06:42
« Le courage des innocents » par Véronique OLMI
Editions : Albin Michel
Parution : Août 2024
281 pages
21,90 €
« Les adultes sont des salauds » tel est le fil conducteur de ce livre à deux temps, celui où Ben est en France avant de rejoindre l’Ukraine. Certes l’histoire porte bien son titre. Avant de découvrir les horreurs de la guerre, Ben apprend que son demi-frère est confié à la DASS. Son tempérament plus spontané que réfléchi l’incite à aller kidnapper l’enfant, ce qui lui fait découvrir la vulnérabilité de ces petits êtres en foyer. Et s’il s’engageait à secourir les jeunes Ukrainiens menacés de bombes et pire encore de déportation ? Ainsi Ben fait partie de ces courageux innocents que rien, même une belle histoire d’amour, n’interrompra dans son secours à ces petits malheureux. Pas question d’obéir aux checkpoints à ces criminels de guerre, plutôt mourir que leur confier la petite Maya…L’écriture de Véronique Olmi est au rythme du sang qui bat dans les veines de Ben, la logique n’y est pas toujours à sa place. Ce qui importe pour l’auteure comme pour Ben c’est le partage du sort des malheureux, le courage du face à face avec l’ennemi, la résistance à l’usurpation d’identité et au génocide. Le lecteur reste désappointé devant le tragique du dénouement, point de non-retour où l’innocent est le jouet du monde mais qui est seul à sauver l’honneur de l’humanité. B. C. D.
Published by brigitte clavel-delsol
-
dans
2024
28 avril 2025
1
28
/04
/avril
/2025
01:33
« Bourlingue dans la brousse » par
Louis-Jean Nicolazo de Barmon
Editions : France-Empire
Parution : Février 2025
184 pages
22 €
Après une immersion dans la brousse du Cameroun, un carnet de voyages s’imposait. L-J Nicolazo de Barmon n’a rien du chasseur sans foi ni loi, ni du touriste condescendant. Il aime l’Afrique, ses traditions ancestrales, ses habitants conscients de la richesse et de la fragilité de la faune qui les entoure. Là, un paradis terrestre se déploie où girafes, buffles noirs et lions fauves attirent des chasseurs du monde entier au son et au flamboiement des rolliers d’Abyssinie et des pintades de Numidie. Malheureusement, aiguillonnés par l’appât du gain ou la nécessité de survie en finançant des terroristes, des braconniers pénètrent dans les plus grandes réserves. C’est ainsi que peu à peu les espèces sont menacées, voire en voie de disparition. La préservation de l’écosystème de cette terre de chasse exceptionnelle devient obsession pour le bourlingueur de la brousse. Car l'homme a besoin de la nature comme celle-ci a besoin d'être régulée par l'homme. Aussitôt L-J Nicolazo de Barmon s'engage pour assainir et brûler à la sueur de son front des hectares de champs de paille et se transforme en bâtisseur de pistes et de digues indispensables à la survie du Cameroun. Il fallait à l'auteur raconter cette belle aventure humaine où la chaleur écrasante du soleil assèche la terre et fertilise les amitiés .
B. C.D.
Published by brigitte clavel-delsol
-
dans
2025
24 avril 2025
4
24
/04
/avril
/2025
15:05
« Sur le chemin des cathédrales »
par Henri d’Anselme
le héros du sac à dos
Editions : fayard
Parution : Novembre 2024
21,90 €
234 pages
Le dessein du héros est différent de celui du saint : le premier rend hommage à l’humanité, le second à Dieu. Dire qu’Henri d’Anselme a justement cette double mission n’est pas exagéré. En poursuivant le chemin des cathédrales de France l’auteur veut révéler non seulement les splendeurs réalisées par les bâtisseurs mais aussi leur foi en ce Dieu protecteur de leurs heurs et malheurs. Car les cathédrales ont mis des siècles à s’élever entre terre et ciel, accueillant aujourd’hui encore touristes et pèlerins trop heureux d’y trouver paix et beauté. Le témoignage d’Henri d’Anselme est d’autant plus poignant qu’il est perçu par son regard estudiantin, témoin de violence gratuite, d’ignorance historique, mais aussi d’accueils chaleureux au sein d’une Eglise torturée. Sa persévérance fut, du début à la fin de ce pèlerinage, toute providentielle : l’incendie de N-D de Paris l’incite à partir, et l’attentat d’Annecy sera le point décisif du non-retour, celui de la poursuite d’un tour de France qui devient un chant, un « remède de l’âme », « écho immortel du temps ». Sa visite de cent-quatre-vingts édifices religieux s’achève en même temps que la reconstruction de Notre-Dame de Paris, véritable miracle réalisé à la sueur de deux-cent cinquante entreprises spécialisées dans la restauration des monuments historiques, preuve que Dieu intervient quand l’homme se donne de la peine…Henri d’Anselme fait partie de ceux-là !
B.C.D.
Published by brigitte clavel-delsol
-
dans
2024
23 avril 2025
3
23
/04
/avril
/2025
08:16
« Les piliers de la mer » par Sylvain Tesson
Editions : Albin Michel
Parution : Avril 2025
210 pages
21,90 €
Ce n’est pas la première fois que Sylvain Tesson relate ses exploits, non pas pour épater mais plutôt pour partager le bénéfice qu’il en tire. « Ne sachant peindre, je m’en vais. Ne sachant prier, je grimpe ». C’est ainsi qu’il justifie sa traque, tout autour du monde, des piliers de la mer qu’il va escalader un à un. Le lecteur a vite fait de comprendre la valeur allégorique de ces stacks, sentinelles rocheuses détachées de la côte, qui se lèvent fièrement solitaires, résistant au temps, à l’érosion, aux tempêtes, au tourisme. Ne sont-elles pas semblables à l’auteur lui-même qui se réfugie dans la certitude que sans le dépassement de soi tout est tristesse et dégradation. La liste des stacks pris à l’assaut est longue et variée, mais jamais lassante, toujours excitante. Les roches ne sont jamais les mêmes, de même que la stratégie pour les vaincre. Les végétaux sont rares mais les oiseaux pullulent. A la grandeur du paysage se joint la noblesse des sentiments, la joie de la liberté durement acquise, et la découverte que la main de l’homme a le même dessein que celui du Créateur. La tentation banale et mesquine du vide et du vertige est recouverte par des strates de sentiments multiples de la naissance jusqu’au dernier jour, par des surprises inattendues où le morbide est chassé par la contemplation. Ainsi Sylvain Tesson rejoint Christophe Ono-dit-Biot dans sa perception du cœur humain qu'il perçoit comme un container bien rempli… B. C. D.
Published by brigitte clavel-delsol
-
dans
2025
22 avril 2025
2
22
/04
/avril
/2025
21:37
« MER INTERIEURE »
par Christophe ONO-dit -BIOT
Editions : L’Observatoire
Parution : Mars 2025
240 pages
Jusqu’où la mer emmènera-t-elle Ono-dit-Biot ? Au temps de l’enfance elle est pour lui refuge, contemplation, mystère insondable. Mais bien vite elle devient attirance irrésistible, les caresses des vagues ne lui suffisent pas. Il s’y enfonce, découvre une faune marine, véritable monde magique. Mais Ono-dit-Biot ne s’arrête pas là, ses perceptions sont submergées par une réminiscence de mythes et une littérature marine qui l’emmènent toujours plus loin dans sa réflexion. Le bleu du ciel est lié au bleu de la mer, les dieux eux- mêmes s’unissent avec des mortels, le corail est un couple de végétal et d’animal, Nemo aime Nautilus autant qu’il en est prisonnier. Alors le lecteur ressent monter l’angoisse toute métaphysique de l’auteur. Il voit dans Ulysse repartant avec sa rame sur l’épaule sous l’injonction de Poséidon l’image même d’Ono-dit-Biot soucieux de “faire connaître la mer à ceux qui ne la connaissent pas “. Mission parfaitement accomplie.
B. C.D.
Published by brigitte clavel-delsol
22 avril 2025
2
22
/04
/avril
/2025
21:06
« Quand viendra le printemps »
par SOPHIE NAULEAU
Editions : Actes Sud
Parution : Février 2025
85 pages
13 €
Une découverte toute providentielle d’une Sophie Nauleau née en 1793 incite l’auteure du même nom à remonter le temps. Celle-ci se lance dans des recherches étymologique et généalogique qui la transportent sur les terres marécageuses de la Vendée, là où il y eut la pire des guerres civiles, mais où la Vie continue de couler et donner son nom à de nombreux villages. C’est là que naquit l’homonyme de l’auteur qui, à cause d’une extrême misère, n’atteignit jamais l’âge adulte. Le style de l’auteure est amer, il rappelle celui de Marie-Laure de Cazotte, plein de colère et de tristesse mélangées face au martyr des Vendéens et de cette jeune Sophie Nauleau innocente dont le visage reflète toute la souffrance. L’auteur ne réserve point de place à l’imaginaire mais recourt aux registres des petites communes quand les habitants eurent le temps de laisser leurs témoignages avant d’être massacrés. Le lecteur est surpris de voir que cette terre marécageuse inspire aujourd'hui encore non seulement une écriture à la fois romantique et engagée mais aussi éveille une fraternité séparée de trois siècles, liée par le sang et les larmes. Petit recueil indispensable pour faire connaître l’histoire trop souvent oubliée de ce coin de France où seuls les printemps sont consolateurs des temps sinistres qui exterminaient les fidèles à Dieu et au roi.
B. C. D.
Published by brigitte clavel-delsol
13 avril 2025
7
13
/04
/avril
/2025
19:23
« MESOPOTAMIA »
Par Olivier GUEZ
Éditions : Grasset
Parution : 2024
405 pages
23 €
C'est un bel hommage qu Olivier Guez rend à Gertrude Bell, officier de l'armée des Indes, dénommée « reine de l’Irak » qui, comme Lawrence d Arabie, se voua corps et âme pour émanciper la Mésopotamie libérée des Ottomans, tout en la laissant sous le contrôle des Britanniques. Mais la tâche n'est pas facile. La Mésopotamie est composée depuis toujours de mille ethnies, religions et sectes que l’accord Sykes-Picot va partager plus ou moins en secret entre le Royaume-Uni et la France. Car si cette terre entre le Tigre et l’Euphrate est un Eden, elle est surtout un puits de pétrole. Le livre alterne entre l’intérêt des politiciens pour le contrôle des gisements de l’or noir et les rêves de Gertrude Bell qui se considère comme la « sage-femme » de pays sur le point d’éclore. Olivier Guez nous raconte l'histoire de cette femme comme un vrai roman dans les déchirements du Moyen-Orient au XX ème siècle.
B. C. D
Published by brigitte clavel-delsol
-
dans
2024
8 avril 2025
2
08
/04
/avril
/2025
09:14
« La gratitude » par Laetitia Strauch-Bonart
Récit politique d’une trajectoire inattendue
Editions : L’Observatoire
Parution : Janvier 2025
224 pages
21 €
Ni le socialisme de Jean-Claude Michéa, son professeur de philo, ni l’ingratitude des étudiants hyperprotégés de la rue d’Ulm ou de Sciences po, ni le carriérisme des politiciens ne parviennent à satisfaire Laetitia Strauch-Bonart dans sa quête d’une pensée politique qu’elle veut à la fois humaine et constructive. Comment accepter que des intellectuels traitent de « ploucs » des habitants d’une zone pavillonnaire sous prétexte qu’ils votent à droite ? L’auteure se plonge alors dans la philosophie politique en vue de découvrir la meilleure organisation collective possible. Elle lit Aristote , Hobbes, se tourne vers Charles Maurras, Joseph de Maistre… La tâche est lourde, voire décevante. Mais c’est sa rencontre lumineuse avec le penseur anglais de la droite conservatrice libérale, Roger Scruton, qu’elle veut nous faire partager. Celui-ci lui fait découvrir les ouvrages d’Edmond Burke, député britannique du XVIII -ème siècle et philosophe, analyste perspicace de la Révolution française dès ses premières heures. Burke revendique la tolérance religieuse, l’abolition progressive de l’esclavage, les droits des colons tout en condamnant les prédateurs. Selon lui la loi du changement est inévitable mais ne doit pas se faire au mépris de la prudence et de la continuité. « Père fondateur du conservatisme moderne », il adapte la politique non pas aux raisonnements humains, mais à la nature humaine. Pour lui « pas de plus grand danger que la liberté sans sagesse et sans vertu, que la carte blanche d’un passé rayé des mémoires, que l’empire absolu de la raison ou de la sensiblerie ». En reconnaissant la fragilité humaine Burke prône un désir d’innovation inséparable d’un sentiment de conservation. Libéralisme et conservatisme sont réunis et Laetitia Strauch-Bonart a enfin trouvé son camp et sa raison d’être, juste équilibre entre famille et nation, mémoire et oubli, gratitude et pardon, en un mot entre harmonie sociale et consécration de l’Homme.
B. C. D.
Published by brigitte clavel-delsol
19 mars 2025
3
19
/03
/mars
/2025
10:43
"Le barman du Ritz" par Philippe Collin
Editions : Albin Michel
Parution : Novembre 2024
395 pages
21,90 €
Philippe Collin ouvre grand les portes du Ritz de Paris des années 40 à 44, où le barman Franz Meier, juif d’origine autrichienne, s’efforce de faire bonne figure. Il sait ce qu’est la guerre, il s’est battu en 14 pour la France. Il sait aussi ce qu’est l’amitié, il l’a découverte à New-York. Au bar du Ritz il enchante, avec ses cocktails, le cœur des officiers allemands et apaise la peur de « la peste brune »de certains clients et employés. Une situation bien ambigüe dans ce contexte historique où se croisent la vieille Marie-Louise Ritz pleine de sollicitude pour les antisémites, alors que Claude Auzello directeur de l’établissement fait tout pour cacher la judéité de Blanche son épouse. Les réceptions somptueuses dans un Paris qui meurt de faim sont indécentes, mais l’auteur y ajoute un comique de situation dans le côtoiement permanent d’artistes internationaux, de SS au « sadisme débridé », de conspirateurs antihitlériens et d’ impitoyables collabos français. La tragédie devient inévitable, délations et arrestations se multiplient. Pendant combien de temps Meier pourra-t-il « épater les Boches » tout en procurant faux passeports et sauf-conduits ? Entouré d’ une kyrielle de célébrités historiques toutes aussi différentes les unes des autres de par leurs opinions politiques despotiques ou respectueuses, et de par leur caractère combatif ou désespéré, Meier apparaît comme le garant de la modération qu’Ernest Jünger réclamait à tout prix pour éviter la spirale de la violence. Le barman du Ritz sortira-t-il sain et sauf de cette guerre et de la Libération qui s’en suivit ? En tout cas il reste un modèle de loyauté et de courage qui méritait bien d’être rappelé.
B.C D.
Published by brigitte clavel-delsol